1988
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François Manchuelle, « Origines républicaines de la politique d'expansion coloniale de Jules Ferry (1838-1865) », Outre-Mers. Revue d'histoire, ID : 10.3406/outre.1988.2660
Bien que les universitaires jusqu'à ce jour aient insisté sur le caractère exceptionnel de la politique d'expansion coloniale de Jules Ferry dans l'histoire de la IIIe République, l'examen d'un certain nombre de projets et de publications inédits — réunis à l'occasion de recherches sur le mouvement anti-esclavagiste français — montre que le parti républicain eut, dès le début du XIXe siècle, une théorie coloniale. Le développement de cette théorie est retracé depuis les projets de l'ancien saint-simonien et fouriériste Jules Lechevalier, sous la Monarchie de Juillet, jusqu'à la Revue du monde colonial, sous le Second Empire, — en passant par le journal Le Peuple de Proudhon, sous la Seconde République. Les liens personnels de Jules Ferry avec l'équipe de la Revue du monde colonial sont mis en évidence, ainsi que les rapports entre sa pensée et celle des rédacteurs de la revue. Le colonialisme républicain, tel qu'il était défini par la Revue du monde colonial, consistait en un mélange curieux d'impérialisme jacobin et d'esprit révolutionnaire, qui en faisait tout à la fois un défenseur de la colonisation européenne et un précurseur des nationalismes du Tiers-Monde actuel. Cette apparente contradiction s'explique par les origines libérales du colonialisme républicain. Contrairement à ce que l'on a souvent écrit à ce sujet, les libéraux classiques étaient en faveur de la colonisation. Cependant, leur critique de la colonisation d'Ancien Régime portait en soi les germes d'une critique plus radicale, qui menait au rejet du colonialisme.