1980
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Chantal Lemercier-Quelquejay et al., « L'expérience soviétique en pays musulmans : les leçons du passé et l'Afghanistan », Politique étrangère, ID : 10.3406/polit.1980.3005
L'expérience soviétique en pays musulmans : les leçons du passé et l'Afghanistan par Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay Les Soviétiques n'ont manifestement pas réussi à adapter à l'Afghanistan la stratégie qui avait si bien réussi en Asie centrale, auprès de populations peu différentes. L'ignorance des conditions réelles du pays, et, par suite, la sous-estimation de ses capacités de résistance sont la première explication des erreurs qu'ils ont commises en Afghanistan. En effet, ils ne sont pas parvenus à utiliser les rivalités ethniques et religieuses (risquant ainsi de provoquer l'explosion d'un véritable sentiment national afghan, né d'une résistance commune), ni à enrayer la symbiose entre la résistance urbaine et l'insurrection rurale par leur tactique d'isolement des villes. Les élites afghanes (notables pushtuns et intellectuels occidentalisés), tous les éléments modérés et libéraux susceptibles de constituer un soutien au régime actuel, scandalisés par la brutalité de la répression, ont rejoint la résistance ou ont émigré. Le clergé musulman est, lui aussi fortement hostile au nouveau régime. Il est paradoxal que l'armée, créée par les Soviétiques eux-mêmes et dont les cadres étaient acquis aux idées de la révolution marxiste ait été détruite et affectée à des tâches auxiliaires dès l'arrivée des Soviétiques. Ces derniers n'ont donc pas su (est-ce faute de temps ?) former des communistes afghans dignes de confiance, et, si les observateurs occidentaux insistent aujourd'hui sur la fin prochaine de la résistance afghane, l'on peut se demander si les Soviétiques, isolés, parviendront à assumer en totalité l'administration de ce pays, avec tout ce que cela comporte d'inconvénients majeurs.