1987
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Jean-Pierre Anastassopoulos, « Entreprise publique et entreprise privée : quel rapport et quel modèle pour la France de demain ? », Politiques et Management Public, ID : 10.3406/pomap.1987.1943
1) Première observation (théorique) : entreprise publique et entreprise privée correspondent à deux logiques différentes : - la loi du marché (tmain invisible») gouverne l'entreprise privée, alors que celle de l'Etat fi main visible») gouverne l'entreprise publique. D'un point de vue économique, le secteur public se définit par opposition au secteur privé, pour pallier les imperfections du marché (services publics, industries i stratégiques», etc.. ) ; - par conséquent, leurs méthodes de management ne peuvent pas être les mêmes : optimisation du flux financier généré à long terme pour l'entreprise privée, contribution aux grands objectifs nationaux pour l'entreprise publique. Stratégie concurrentielle (maîtrise du portefeuille d'activités) pour la première, stratégie « relationnelle» (négociations avec l'appareil politico-administratif) pour la seconde. 2) Deuxième observation (pragmatique) : sous la pression de l'environnement entreprises publiques et privées convergent vers un comportement unique - Le même souci de légitimité conduit les premières à rechercher l'efficacité économique dans l'utilisation des deniers publics, et les secondes à prendre en compte leur responsabilité sociale, voire sociétale, dans l'élaboration de leur stratégie. - L'internationalisation toujours croissante de l'activité économique expose entreprises publiques et privées aux mêmes types de contraintes face à la concurrence mondiale. 3) Troisième observation (nostalgique) : l'Etat-entrepreneur à vécu - L'entreprise publique ne semble pas être un bon instrument de mise en œuvre de politiques nationales trop étrangères à la nature de ses activités : redistribution des revenus ou de l'épargne, protection de l'emploi, etc.. Son utilisation à ces fins est inefficace et surtout très coûteuse pour le budget de l'Etat ; elle induit en outre une déresponsabilisation des dirigeants et du personnel, qui aggrave ces inconvénients. - C'est tout le système de relations Etat-Entreprise publique qui fonctionne mal : trois acteurs (entreprise, administration, gouvernement) interagissent en fonction de logiques tout à fait différentes (économique, administrative et politique) qui se neutralisent l'une l'autre. Alors que l'Etat devrait donner les grandes orientations stratégiques, laisser l'entreprise les appliquer de façon autonome, et contrôler la conformité des résultats, c'est exactement l'inverse qui se produit. 4) Quatrième observation (polémique) : l'Etat libéral est mort-né - La haute fonction publique et les cabinets ministériels sont marqués en France par une identité technocratique que perpétuent certaines filières de formation. Filtré par nos "grands corps", le libéralisme est vite oublié lorsqu'il s'agit de prendre des décisions opérationnelles. - Mais par dessus tout, la nature de la concurrence mondiale proscrit absolument le "laissez faire", sauf à déclarer forfait en tant que nation, et observer les multinationales nipo-américaines se partager le monde, en espérant que quelques françaises auront un strapontin dans le club des grandes. 5) Conclusion (thérapeutique) : entreprises publiques ou privées ont toutes besoin de iL'Etat-partenaire» - La grande affaire de la fin de ce siècle sera probablement le développement et la consolidation par nos entreprises d'un réseau d'alliances leur permettant de survivre face à la domination des plus forts. Le mouvement est bien engagé aujourd'hui et remarquablement différencié : accords de recherche et développement, de production, de commercialisation, qui tous ont pour objet de mieux valoriser des ressources complémentaires mises en commun. - Ce réseau est par définition international. Non seulement il ne peut laisser les Etats indifférents, mais il implique leur participation active, disons le mot, leur complicité. Réglementer quand c'est nécessaire, déréglementer quand les entreprises sont prêtes, nationaliser si c'est utile, privatiser quand on a restauré la compétitivité, ces politiques ne sont pas contradictoires : elles font partie de l'arsenal qui doit permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle de partenaire auprès d'entreprises qui doivent compter sur lui. 3) Troisième observation (nostalgique) : l'Etat-entrepreneur à vécu - L'entreprise publique ne semble pas être un bon instrument de mise en œuvre de politiques nationales trop étrangères à la nature de ses activités : redistribution des revenus ou de l'épargne, protection de l'emploi, etc.. Son utilisation à ces fins est inefficace et surtout très coûteuse pour le budget de l'Etat ; elle induit en outre une déresponsabilisation des dirigeants et du personnel, qui aggrave ces inconvénients. - C'est tout le système de relations Etat-Entreprise publique qui fonctionne mal : trois acteurs (entreprise, administration, gouvernement) interagissent en fonction de logiques tout à fait différentes (économique, administrative et politique) qui se neutralisent l'une l'autre. Alors que l'Etat devrait donner les grandes orientations stratégiques, laisser l'entreprise les appliquer de façon autonome, et contrôler la conformité des résultats, c'est exactement l'inverse qui se produit. 4) Quatrième observation (polémique) : l'Etat libéral est mort-né - La haute fonction publique et les cabinets ministériels sont marqués en France par une identité technocratique que perpétuent certaines filières de formation. Filtré par nos "grands corps", le libéralisme est vite oublié lorsqu'il s'agit de prendre des décisions opérationnelles. - Mais par dessus tout, la nature de la concurrence mondiale proscrit absolument le "laissez faire", sauf à déclarer forfait en tant que nation, et observer les multinationales nipo-américaines se partager le monde, en espérant que quelques françaises auront un strapontin dans le club des grandes. 5) Conclusion (thérapeutique) : entreprises publiques ou privées ont toutes besoin de iL'Etat-partenaire» - La grande affaire de la fin de ce siècle sera probablement le développement et la consolidation par nos entreprises d'un réseau d'alliances leur permettant de survivre face à la domination des plus forts. Le mouvement est bien engagé aujourd'hui et remarquablement différencié : accords de recherche et développement, de production, de commercialisation, qui tous ont pour objet de mieux valoriser des ressources complémentaires mises en commun. - Ce réseau est par définition international. Non seulement il ne peut laisser les Etats indifférents, mais il implique leur participation active, disons le mot, leur complicité. Réglementer quand c'est nécessaire, déréglementer quand les entreprises sont prêtes, nationaliser si c'est utile, privatiser quand on a restauré la compétitivité, ces politiques ne sont pas contradictoires : elles font partie de l'arsenal qui doit permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle de partenaire auprès d'entreprises qui doivent compter sur lui.