2017
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Nicolas Corre, « La prière secrète du pontife ou Silence et murmure, des gestes vocaux signifiants dans la tradition religieuse romaine », Revue belge de Philologie et d'Histoire, ID : 10.3406/rbph.2017.8988
Selon Plutarque, lorsqu’une vestale incestueuse devait être ensevelie, le pontife prononçait des prières «secrètes (ἀπορρήτους) » . L’historien antique ne définit pas les caractéristiques de ces oraisons, mais il est vraisemblable que le pontifex murmurait ou restait muet. Ces modes d’élocution particuliers doivent être étudiés comme des «gestes vocaux » signifiants qui accompagnent et explicitent la profération, intérieure ou non, de la prière elle-même. Par opposition aux invocations publiques prononcées clara uoce, l’oraison dite secreto constitue un rite d’inversion, caractéristique des funérailles ou des cérémonies de purification. La dissimulation permet de restaurer un ordre du monde troublé par l’inceste. Traditionnellement, les prières «secrètes » sont considérées comme un mode de communication avec le monde inférieur, caractéristique des pratiques magiques. Mais le cas du pontife montre que ce modèle est à revoir : les Romains ont développé des «tactiques » afin de garder le secret autour de rituels particuliers que nous qualifierons de sacra occulta et ces pratiques doivent être interprétées en fonction de chaque rite. Les imprécations silencieuses comme les sacrifices secrets ne sont pas à la frontière entre magie et religion : ils entrent au contraire parfaitement dans le cadre de la religion publique romaine.