Un système de noms propres (Héraclite, 40 D. K.)

Résumé Fr

Arraché aux lectures successives qui ont émoussé, dénaturé ou aboli le sens, le dire d'Héraclite se révèle dans la densité d'une architecture sans complaisance où se heurtent les termes contradictoires : πολυμαθίη- vóov. La vaste science n'est pas plus l'érudition, l'accumulation de connaissances hétéroclites, que la construction théorique qui organise tous les degrés du cosmos ; le terme reçoit son contenu de l'association des quatre types exemplaires dont il est le lien et le dénominateur commun. Les noms énumérés dessinent un système : un lien d'affinité les regroupe par deux en parallèle ou en chiasme ; les deux groupes s'opposent chaque fois terme à terme. Organisation hiérarchique de l'univers, construction du monde par les nombres, critique de la tradition théologique, enquête systématique sur les faits particuliers, la πολυμα- θίη recouvre toute forme de savoir qui inventorie dans l'espace et le temps : elle est science (-μαθίη) du multiple (πολύ-). Mais, juxtaposant les informations, elle se perd dans la diversité des connaissances plurielles et, fausse science, elle s'interdit d'instruire (αv έδίδαξε) ceux-là mêmes qui se prétendent les maîtres du savoir. Car l'intelligence (νόος), radicalement autre, ne s'enseigne pas (ου διδάσxει) : elle est saisie intuitive de l'harmonie des contraires, dans le refus du Tout affirmation de l'Un.