1973
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François Joyaux, « Croissance démographique, développement économique et politique extérieure : Le cas de la Chine populaire », Revue d'études comparatives Est-Ouest (documents), ID : 10.3406/receo.1973.3205
La situation démographique, par les contraintes qu'elle impose au développement économique, doit être considérée comme l'un des facteurs fondamentaux de la puissance (ou de l'impuissance) des Etats en matière de relations internationales. Le cas de la Chine est particulièrement intéressant en raison de l'importance qu'y revêt le problème de la population mais aussi particulièrement difficile à saisir en raison des insuffisances statistiques. « L'analyse des tendances démographiques actuelles de la Chine continentale, écrit le démographe J.S. Aird, est essentielle (...) pour évaluer le rôle de la Chine dans les affaires mondiales », mais il précise aussitôt : « Cependant toute analyse de ce type est, dès le départ, rendue difficile par le fait que les renseignements démographiques sur la Chine sont peu nombreux et peu sûrs (...) ». On peut néanmoins admettre, à titre d'hypothèse, que la population chinoise a probablement franchi le cap des 800 millions vers 1970 et que son taux d'accroissement annuel est de l'ordre de 2 °/o, ce dernier chiffre ayant été confirmé par les autorités chinoises elles-mêmes. Pour en apprécier l'impact sur le développement économique du pays et, par là même, sur la puissance de la Chine, on peut d'abord s'interroger sur l'évolution comparée de la population et de la production vivrière. La conclusion essentielle, sur ce point, paraît bien être que les résultats chinois, comparables ou inférieurs à ceux de bon nombre de pays d'Asie orientale, ont souvent été jugés comme très positifs à l'étranger compte tenu de la dimension du problème à résoudre. L'économie chinoise en est apparue d'autant plus forte. Par ailleurs, la pression démographique a certainement détourné une grande partie des investissements vers des secteurs non déterminants du point de vue diplomatico-stratégique : agriculture ou enseignement primaire par exemple. Au total, le nombre, considéré en soi, a probablement été un élément de faiblesse économique. Mais la nature du régime a permis à la Chine de détourner vers des « investissements de puissance » les ressources qu'un autre régime aurait dû affecter aux « investissements démographiques ». Par ailleurs elle a su, dans une certaine mesure, faire admettre l'idée selon laquelle le nombre (et même le surnombre ?) peut être synonyme de force. Autant d'éléments qui, pour la Chine, ont fait reculer les limites que sa démographie pléthorique aurait normalement imposées à ses possibilités diplomatiques et stratégiques.