1975
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François Meyers, « L'adaptation des hommes : la fonction publique dans les pays occidentaux », Revue d'études comparatives Est-Ouest, ID : 10.3406/receo.1975.1991
Le rapporteur s'est permis de déborder le cadre des informations recueillies — lesquelles reproduisent généralement les dispositions réglementaires, sans examiner leur application effective — pour avancer une série d'hypothèses sur des dysfunctions possibles et leurs causes probables. Le véritable travail scientifique doit donc encore commencer. La fonction publique est régie dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest, par le système de la carrière. Les pays Scandinaves et les Pays-Bas ont adopté plutôt le système des « positions ». En fait, on constate partout une interpénétration plus ou moins prononcée des deux systèmes. On peut supposer que, dans un système de carrière, les procédés de sélection et de licenciement fonctionnent mal à cause : — de la stabilité de l'emploi et des affectations ; — du principe de la nomination à des grades et non à des fonctions bien déterminées ; — de l'absence de définition précise des fonctions ; — de l'état d'esprit des fonctionnaires travaillant dans ces conditions. Des défauts semblables doivent apparaître aussi dans de grandes administrations qui auraient, en principe, adopté le système des positions. Dans les cas où la sélection exerce une réelle fonction discriminante, il reste à vérifier si elle conduit vraiment à la désignation du candidat le plus apte par rapport aux fonctions à exercer. Est-elle à l'abri de l'influence politique ou syndicale, n'avantage-t-elle pas trop les candidats qui ont un comportement traditionnel ; les épreuves concordent-elles avec le profil des fonctions ? En tout cas, dans la plupart des pays, le régime juridique de la fonction publique ne permet guère de corriger ou d'adapter le système de sélection rapidement, au gré de l'expérience ou des circonstances. En matière de formation et de perfectionnement, il ressort de l'ensemble des réponses reçues que plus nulle part on ne considère que l'intelligence, la culture et quelques techniques apprises sur le tas suffisent à l'exercice efficace des fonctions publiques, même les moins spécialisées. La formation antérieure à l'entrée en fonctions, à l'origine de la carrière ou pendant les premières années de celle-ci, se développe dans tous les pays. Là où cette formation était au départ essentiellement juridique, elle porte maintenant de plus en plus sur des matières financières, économiques et sociales, sur les procédés scientifiques et techniques de gestion et sur les aspects psycho-sociaux des organisations. Là où le droit était plutôt négligé — en Grande-Bretagne par exemple — on commence à l'introduire dans les programmes de formation initiale. Cette « technicisation » des fonctionnaires généralistes s'accompagne de l'introduction d'un nombre sans cesse accru de spécialistes de tous ordres (ingénieurs, médecins, statisticiens, informaticiens, analystes, etc.). Cette tendance indique que les fonctions publiques se diversifient de plus en plus mais que la spécialisation devient telle que des tâches toujours plus nombreuses doivent tout de même être confiées à des titulaires spécifiquement recrutés ou sélectionnés à cet effet. La politique de perfectionnement en cours de carrière peut ainsi prendre plusieurs orientations selon les options retenues au niveau de la politique générale du personnel. Les activités actuelles de perfectionnement se présentent comme une gamme de possibilités, comportant parfois même des paris sur l'avenir, qu'il importe encore de valoriser par une politique d'ensemble plus cohérente. Ceci explique en partie pourquoi aucun des pays interrogés n'a établi un lien contraignant ou même étroit entre le perfectionnement et les promotions dans la carrière. Pour les niveaux supérieurs, nous remarquons depuis quelques années, dans plusieurs pays, l'expansion de la formation au management, dans le but de mieux préparer les fonctionnaires aux tâches de direction. Ces cycles, souvent résidentiels, visent certes un complément de connaissances (techniques modernes de gestion, environnement politique, social et économique) mais tendent aussi à développer des capacités concrètes (conduite des hommes, conduite de réunions, travaux d'équipe, techniques de communication, approche de problèmes complexes) et ambitionnent parfois de faire évoluer les attitudes (par exemple à réduire la résistance au changement). Une toute autre finalité préside aux opérations de recyclage et de reconversion, nécessitées par les progrès scientifiques et techniques. D'un tout autre ordre encore sont les initiatives de perfectionnement qui accompagnent la politique de promotion sociale. Ici, l'épanouissement de l'homme prend le pas sur l'intérêt immédiat du service. Une telle politique est poursuivie dans la plupart des pays ; elle s'applique au secteur public comme au secteur privé. Il reste à l'administration de la fonction publique à veiller à harmoniser au mieux cette forme de perfectionnement personnel avec ses propres objectifs de perfectionnement et avec les disponibilités en temps dont disposent les agents pour suivre l'un et/ou l'autre de ces enseignements. De toutes façons, des enquêtes plus fouillées s'imposent, notamment sur les programmes et leur efficacité, sur les motivations des fonctionnaires, sur les corrections à apporter au système de la carrière pour favoriser le perfectionnement dans des spécialités non durables et sur la part du temps qui doit économiquement être consacré au perfectionnement plutôt qu'au travail.