1978
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Aleksander Gella, « Le conflit entre l'élite dirigeante et l'élite culturelle : l'exemple de l'Europe de l'Est », Revue d'études comparatives Est-Ouest, ID : 10.3406/receo.1978.2183
Le conflit entre l'élite culturelle et l'élite dirigeante est un élément permanent de l'histoire des nations. L'idée platonicienne des « rois-philosophes » est la seule qui permette de résoudre ce conflit. Les pères du communisme moderne n'auraient pas pu proposer ouvertement cette solution. Cependant, la première élite dirigeante de la Russie post-révolutionnaire peut être considérée comme une élite dirigeante de « philosophes ». Les rêves ont la vie courte mais même Staline prétendait être l'interprète philosophique du « seul système philosophique authentique : le marxisme- léninisme ». Le caractère de l'élite culturelle est déterminé par celui de l'élite dirigeante. Plus le système est totalitaire, plus son élite culturelle sert directement l'élite dirigeante et en dépend. Cette obéissance servile crée cependant une polarisation au sein de l'élite culturelle. Une opposition intellectuelle non reconnue et opprimée apparaît en marge de la vie culturelle. Cette opposition est secrètement soutenue par certaines factions de l'élite dirigeante ; ainsi, cette dernière est également divisée, lentement mais inévitablement. Ce processus a été particulièrement évident en Pologne en 1955-1956 et en Tchécoslovaquie en 1967-1968. La relation entre élite culturelle et dirigeante en Union Soviétique est différente de celle des pays est-européens, en raison notamment du sort différent de leurs intelligentsias respectives. Le processus d'apparition d'une élite culturelle non conformiste a duré nettement plus longtemps en U.R.S.S. que dans les autres pays. Les courtes périodes de coopération enthousiaste des élites culturelle et dirigeante (Pologne en 1956, Tchécoslovaquie en 1968) doivent être analysées dans le cadre des luttes nationales contre l'élite dirigeante soviétique.