1982
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Alain Pouliquen, « L'organisation du travail agricole collectif et le contrôle social de l'activité économique en U.R.S.S. », Revue d'études comparatives Est-Ouest, ID : 10.3406/receo.1982.2390
A l'époque de la collectivisation agricole en U.R.S.S. c'est la persistance des faits (socio-économiques) qui a très vite imposé une organisation du travail collectif à base de brigades territoriales de polyculture et (ou) d'élevage, après une première tentative d'organisation centralisée. Mais l'histoire ultérieure a modifié profondément les données du problème, avec l'affectation des machines aux brigades, puis la généralisation du salariat de type industriel dans l'agriculture socialisée, et enfin un essor spectaculaire de la mécanisation agricole complexe (années 70). Tout ceci a encouragé une nouvelle tentative d'organisation centralisée et très parcellisée du travail, cette fois sur un mode « industriel » sensu-stricto. Pourtant, cette fois encore, les spécificités de l'agriculture ont imposé en général un compromis avec cette logique « industrialiste » radicale, sous la forme rationalisée du « collectif noyau » ; c'est-à-dire la brigade ou zveno « de mécanisateurs » qui remplace progressivement l'ancienne brigade « de motoculture » très diversifiée et encore majoritaire. La logique d'intéressement et de responsabilisation économiques de ces nouveaux collectifs, encore minoritaires, tend même à être poussée jusqu'à la forme extrême du collectif « sans normes », autogérant vraiment l'organisation et la rémunération de son travail. Mais le succès économique de ce mouvement tend à être gêné par un certain nombre d'obstacles « systémiques » globaux. C'est là une des raisons pour lesquelles on tentera, dans la deuxième partie, d'expliquer les restructurations à l'œuvre, et leur résultats, au regard des impératifs et des divers mécanismes, propres au système soviétique, du contrôle social de l'acitivité économique, et de leurs lois de combinaison : les dysfonctionnements et limites inévitables de 1' « économie de commande » (planification centrale et directe de toute l'activité), niveau des sous-unités de base du système, appellent une combinaison de mécanismes correcteurs qui sont principalement les suivants : 1. Une radicalisation du schéma de 1' « économie de commande », s'appuyant sur une simplification maximale de l'appareil de production, par concentration et spécialisation des sous unités. C'est là, bien plus que dans des considérations « neutres » d'optimisation technique et micro-économique, que réside l'explication principale des formes spectaculaires qu'a prise parfois « l'industrialisation agraire », surtout en production végétale. Mais ces formes se heurtent à certaines spécificités socio-techniques encore fortes de l'agriculture. 2. Un recours partiel, et en fait tout à fait annexe, à la stimulation et à la déconcentration économiques des sous unités. Mais on se heurte vite ici à certaines contradictions avec la logique dominante de l'économie de commande et celle, complémentaire, qui suit. 3. Le recours au complément vital qu'est le système, spécifiquement soviétique d'intégration et de « contrôle collectif des personnes » en tant que telles, dont l'axe central est le Parti communiste de l'Union Soviétique. Dans la deuxième partie, on analyse donc les lois de la combinaison, contradictoire et complémentaire à la fois, de ces divers mécanismes correcteurs de contrôle social, et on applique cette analyse au cas de l'organisation du travail agricole, qui est particulièrement révélateur de ces lois.