L'économie yougoslave face au programme de stabilisation

Fiche du document

Auteur
Date

1985

Type de document
Périmètre
Langue
Identifiant
Collection

Persée

Organisation

MESR

Licence

Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.



Citer ce document

Paolo Brera, « L'économie yougoslave face au programme de stabilisation », Revue d'études comparatives Est-Ouest, ID : 10.3406/receo.1985.2543


Métriques


Partage / Export

Résumé En Fr

The Yugoslav economy and the stabilization programme. The 1965 reform, and the institutional changes of the following decade in Yugoslavia produced new socio-economic structures whose operation profoundly affected the country's development. Entreprises in the socialized sector were fragmented into smaller units and, starting from these, a new unity was reconstituted, knit together with a web of « self-managing agreements » and « social pacts ». A side-effect of these agreements was to limit economic relations to the narrow context of socialist republics and autonomous territories, this destroying the unity of the Yugoslav market, and aggravating regional disparities. Even if the decision-making processes within units of associated labour were not, in general, as perfectly democratic as theory would have suggested, organizations newertheless enjoyed a not inconsiderable degree of freedom of action. They were able to increase personal earnings, and to commit their resources, or even resources which they did not possess, to large — scale investment projects. The banking system, which was likewise reorganized, lent the capital required for investment, (and for the distribution of income) at rates of interest below the rate of inflation, this maintaining overall demand at a level beyond economic equilibrium. The result was that demand at home replaced that of the export market, thus generating an increasingly alarming deficit in foreign trade, and a corresponding rise in Yugoslav indebtedness. Unemployment and inflation complete the picture. It was, therefore, with an already weakened economy that Yugoslavia prepared to meet the changed international situation of the 1980's. In 1980, the so-called policy of economic stabilization was introduced. Through restriction of imports, and manipulation of the exchange rate, an attempt was made to reduce the deficit on foreign trade to a manageable level, and then to bring about a surplus, which was achieved in 1983. Overall demand was controlled by means of a reduction in personal incomes (which fell, per capita, to the level of 1973), a monetarist policy à la Thatcher, and by curtailing investment. However, none of this has had any effect on inflation, which has risen to South American heights. The problem of regional inequality of incomes (or, more exactly, ethnic inequality) has not been solved, nor has that of unemployment, despite a new agricultural policy and encouragement for the private entrepreneur and the overseas investor. The current view of the League of Communists attributes the country's economic difficulties to the limitation of self-management by « technocratic » and « etatist » groups. So, by strengthening self-management, the authorities should once more active a balanced economy. Yugoslav leaders do not seem fully to appreciate that the full development of self-management and the market requires action by the central authority to direct industrial policy, to adopt a particular commercial, or general economic policy vis-à-vis abroad, control global demand, etc. If the State abdicates its duty to intervene, in the Western manner, it will sooner or later be forced to intervene in the Russian manner, which happens quite frequently in Yugoslavia to-day. The stabilization programme may not be taking place in the most favourable international conditions, but the atmosphere inside Yugoslavia has itself worsened. The zero rate of growth of the last few years has resulted in confusion replacing optimism as the most prevalent social attitude ; commitment to the political system is weakening. Should this be seen as a crisis of self-management ? No, if what is meant is self- management as an idea ; but yes, in the context of Yugoslav self-management, which cannot develop (or possibly even survive) without adapting to the profound changes of the 1980's.

La réforme de 1965 et les transformations institutionnelles de la décennie suivante ont donné naissance, en Yougoslavie, à des structures socio-économiques nouvelles dont le fonctionnement a eu de profondes répercussions sur le développement du pays. Les entreprises du secteur socialisé ont été morcelées en unités plus petites et, à partir de ces dernières, leur unité a été reconstituée avec une toile d'araignée d'« accords autogérés » et de « pactes sociaux ». Ces accords ont eu l'effet secondaire de limiter les relations économiques au cadre restreint des républiques socialistes et des territoires autonomes, détruisant ainsi l'unité du marché yougoslave et aggravant les inégalités régionales. Même si les processus décisionnels à l'intérieur des organisations de travail associé n'ont généralement pas eu le caractère parfaitement démocratique que prévoyait la doctrine, la liberté d'action des organisations n'a pas été négligeable. Elles ont pu distribuer des revenus personnels croissants et engager des ressources, et même des ressources qu'elles ne possédaient pas, dans des grands projets d'investissement. Le système bancaire, à son tour réorganisé, a prêté les capitaux nécessaires pour l'investissement (et pour la distribution des revenus) à des taux d'intérêt plus bas que le taux d'inflation, soutenant ainsi la demande globale au-delà du niveau d'équilibre. Ce qui a fait que la demande intérieure a remplacé celle d'origine étrangère : il en a résulté un déficit de plus en plus inquiétant dans les échanges extérieurs, donc une montée de la dette yougoslave. L'inflation et le chômage achèvent le tableau. C'est donc une économie déjà affaiblie qui se présente au rendez-vous de la nouvelle situation internationale des années 80. En 1980 la politique dite de « stabilisation économique » débute. Par la restriction des importations et la manœuvre du taux du change on essaie de ramener le déficit extérieur à des dimensions raisonnables, puis d'obtenir un excédent — qui s'est matérialisé en 1983. La demande globale a été modérée par le biais d'une restriction des revenus personnels (tombés, par habitant, au niveau de 1973), d'une politique monétaire thatchérienne et d'un resserrement de l'investissement. Tout cela n'a pourtant eu aucun effet sur l'inflation, qui a atteint des niveaux « sud- américains ». Le problème de l'inégalité régionale des revenus (on pourrait dire plus exactement de l'inégalité ethnique) n'est pas résolu, et celui du chômage non plus, malgré une nouvelle politique agricole et l'encouragement donné aux entrepreneurs privés et aux investisseurs étrangers. L'interprétation courante de la Ligue des Communistes à l'égard des difficultés économiques en voit l'origine dans la limitation de l'autogestion par les groupes « technocratiques » et « étatistes ». Donc, si l'on renforce l'autogestion, on ramènera l'équilibre dans l'économie. Les chefs de file yougoslaves semblent se rendre compte seulement à moitié que l'épanouissement des rapports autogestionnaires de marché exige l'action de l'autorité centrale pour orienter la politique industrielle, exprimer une ligne de politique commerciale (et économique en général) face à l'étranger, gérer la demande globale, etc. Si l'État abdique ses devoirs d'intervention « à l'occidentale », il se verra obligé d'avoir tôt ou tard recours à une intervention administrative « à la russe », ce qui est bien souvent le cas aujourd'hui en Yougoslavie. Si la stabilisation ne se déroule pas exactement dans les conditions internationales les plus favorables, l'atmosphère intérieure s'est elle-même alourdie. La croissance zéro des dernières années a substitué le désarroi à l'optimisme comme attitude sociale la plus répandue ; l'adhésion au système politique s'affaiblit. Faut-il donc conclure à une crise de l'autogestion ? Non, si l'on entend par-là l'autogestion comme notion-limite ; oui, si l'on pense à l'autogestion yougoslave, qui ne saurait se développer (et peut-être même pas survivre) sans s'adapter à la situation profondément changée des années 80.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en