1998
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Patrick Williams, « Leçons de musique : guitare et langue chez les tsiganes en France », Recherche & formation, ID : 10.3406/refor.1998.1472
Comment s'acquièrent les savoirs en dehors des transmissions systématiques et formelles de l'école ? Le cas des enfants guitaristes, considérés comme des enfants prodiges dans certaines communautés tsiganes, permet de voir comment le travail exigeant d'apprentissage s'effectue par osmose, imitation et émulation. Derrière ce qui apparaît comme un don d'improvisation, on peut mettre à jour la maîtrise d'une situation fortement codée. La compétence virtuose des enfants ne se construit donc pas de façon fondamentalement autre que la compétence ordinaire des adultes, telle qu'elle fonctionne dans les activités économiques comme la « chine ». Les uns et les autres sont plus ou moins capables de « jouer » avec les situations codées auxquelles ils sont confrontés, tantôt en reproduisant des routines stéréotypées, tantôt en étant capables d'improviser avec naturel. Cette capacité à jouer avec les codes fait partie de l'apprentissage ordinaire de la langue. Entre les différents dialectes Rom, les petits enfants, en interaction avec les adultes, sont conduits très tôt à repérer ce qui est la langue du groupe et la langue de l'autre, de façon à « être dans le ton », à ne pas « détonner » dans le groupe. Les savoirs construits de façon informelle, sous le regard permanent du groupe, sont ainsi ce à travers quoi chacun construit et manifeste son appartenance et son attachement à sa communauté d'existence.