2020
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Matthieu Fernandez, « Démosthène fabuliste ? L’ombre d’un âne entre comédie, proverbe et fable chez les scholiastes et les lexicographes », Revue des Études Grecques (documents), ID : 10.3406/reg.2020.8656
La harangue Sur la paix se termine par une métaphore mystérieuse qui a fait couler beaucoup d’encre : «pour l’ombre qui est à Delphes » . Démosthène désigne le conseil amphictyonique, qu’il affecte de tenir pour quantité négligeable. Cette image est une réécriture de l’expression proverbiale «pour l’ombre d’un âne » , attestée avant Démosthène chez Aristophane, Sophocle, Platon et plus tard chez Ménandre. Elle fournit aussi le titre d’une comédie perdue d’Archippos. Pour expliquer l’origine de ce proverbe, scholiastes et lexicographes rapportent un apologue dont certains d’entre eux attribuent la paternité à Démosthène dans un discours prononcé devant l’Assemblée ou un tribunal. Ils cherchent ainsi à combler une lacune dans le corpus démosthénien et à faire aussi de l’orateur un maître de la fable, pour le proposer comme modèle rhétorique dès les exercices préliminaires (progymnasmata). En effet, nous ne trouvons pas de fable dans les oeuvres conservées de Démosthène. Nous n’avons qu’un témoignage de Plutarque et une métaphore du Contre Aristogiton I, reprise dans le Contre Aristogiton II : tous mettent en scène le paradigme pastoral des chiens, des moutons et des loups, caractéristique de la fable ésopique. Le recours à la fable était peut-être donc un trait d’éloquence orale. C’est ce qui expliquerait que nous n’en avons conservé que ces maigres traces chez Démosthène, alors qu’il s’agissait d’une pratique courante chez les orateurs, aux dires d’Aristophane et d’Aristote.