1980
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Nicole Fernandez Bravo, « Figures et anamorphoses dans Le Golem de Gustav Meyrink. Etude des codes seconds d’expression », Recherches Germaniques (documents), ID : 10.3406/reger.1980.1003
L’œuvre de Meyrink doit sa force à son ambiguïté qui se manifeste, dans une écriture très concertée, par un jeu de reflets. Palliant les manques d’un langage-objet dévalué par l’usage banal, un système second de signification s'instaure au plan lexical et discursif. Pour créer ce nouveau langage destiné à subvertir la réalité, Meyrink combine ces codes seconds de signification que sont les figures de rhétorique, les légendes (langage du «déjà dit») et les mythes kabbalistiques. Il emprunte aussi au rêve sa symbolique, en le prenant comme un langage dont il utilise les mécanismes (condensation et déplacement.) En effet, l’important ici, à tous les niveaux, c’est le déplacé, car c'est le complet déplacement qui fait surgir l'AUTRE : le DOUBLE. C'est donc principalement le problème du sujet à la recherche de son identité et de l'immortalité qui est posé. La projection dans un double ne se manifeste pas seulement par la scission du narrateur à la première personne (écrivain/ moi rêvé) et par celle de la figure centrale (Pernath/Golem), mais aussi - entre autre - par la métaphore qui «double» l'expression triviale. La scission maîtrisée par la conscience du sujet conduit à une synthèse qui identifie les contraires : le vrai double, le vrai moi, c'est l'hermaphrodite. Ce même mouvement de décomposition et de synthèse caractérise la représentation de la ville et se manifeste dans la structure même du roman (récit-cadre/roman intérieur) évoquant l'anamorphose, qui pose aussi le problème de la réalité factice. De ce point de vue, les langages seconds ne sont pas seulement des moyens de représentation narrative ; le «doublement», la tension entre réalité et virtualité, est un principe fondamental du roman sur tous les plans : de même que le monde «parle» par un échange constant entre règne humain, animal et minéral, le corps «parle» par la projection de l’intérieur vers l'extérieur. Selon Meyrink ces divers transferts font apparaître une autre réalité qui devient plus réelle que la vie banale. Par son utilisation éclectique de divers systèmes seconds de signification, qui va dans le même sens que des recherches artistiques et scientifiques actuelles, Meyrink se situe dans le droit fil de l’art moderne.