1992
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Gonthier-Louis Fink, « Patriotisme et cosmopolitisme en France et en Allemagne (1750-1789) », Recherches Germaniques (documents), ID : 10.3406/reger.1992.1143
En comparant la situation de la France et de l’Allemagne, cet article veut cerner l’ambiguïté, souvent méconnue, du patriotisme et du cosmopolitisme et leur relation, tantôt antagoniste, tantôt complémentaire. Ici et là on constate une carence du sentiment patriotique, mais les raisons en sont bien différentes. En France elle est liée aux intérêts divergents des trois ordres, à l’immoralité de la cour et des grands ainsi qu’au régime monarchique, considéré par les philosophes comme despotique, ce qui à leurs yeux rend le patriotisme impossible et les amène à proposer des modèles étrangers. Indirectement leur cosmopolitisme à la fois politique et moral a ainsi une fonction critique. En Allemagne, le clivage entre les différents pays est à la fois politique, social, économique et, notamment entre le Nord et le Sud, également religieux et linguistique ; même les mœurs y sont différentes. Au lieu de compléter le patriotisme d’Empire, le patriotisme régional l’a souvent remplacé. Notamment à la suite de la guerre de Sept Ans, ici et là, les écrivains sont soucieux de remédier à la carence patriotique, en montrant que même le républicanisme est compatible avec la monarchie. Mais pendant que, soutenu par les monarchistes, le mouvement en France reste marginal et indirectement critique, grâce au clivage entre la réalité politique d’une part, leur image du roi, du rôle assigné aux bourgeois et même au peuple d’autre part, en Allemagne le mouvement patriotique est important et apologétique. Du fait que le roi de Prusse s’oppose aussi à la France, le patriotisme prussien trouve des accents gallophobes et tend à se confondre avec un nouveau patriotisme allemand, d’autant plus que ses partisans n’en précisent pas les limites géopolitiques. Étant purement culturel, le patriotisme de l’Aufklärung embrasse tous les pays allemands et s’harmonise avec un cosmopolitisme humanitaire, qui prend cependant ses distances par rapport au cosmopolitisme politique et critique des encyclopédistes. Ce n’est que dans les années 80, à la suite de la Révolution américaine, qu’on voit surgir, à côté d’un patriotisme purement moral, des poètes pour lesquels le patriotisme implique aussi la critique du despotisme.