1975
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H. Saint Girons, « Coexistence de Vipera aspis et de Vipera berus en Loire-Atlantique : un problème de compétition interspécifique », Revue d'Écologie (La Terre et La Vie) (documents), ID : 10.3406/revec.1975.4904
L’étude en Loire-Atlantique de la zone de contact entre Vipera aspis et V. berus montre clairement que les deux espèces s’excluent mutuellement. Non seulement la zone de coexistence est très étroite (1 à 2 kilomètres), mais en réalité même cette bande est constituée par des petites populations juxtaposées et non mélangées. Bien que possible, l’hybridation demeure un phénomène exceptionnel et, en pratique, les deux espèces sont sexuellement isolées. En l’absence d’intolérance active, nous avons cherché à connaître la nature de cette compétition interspécifique, en étudiant l’écologie et le cycle annuel des deux espèces dans les mêmes localités et les mêmes biotopes. Bon nombre de différences ont été mises en évidence, les unes d’ordre spécifique (le cycle sper-matogénétique, la nature des proies acceptées, etc.), d’autres représentant la simple conséquence des conditions climatiques locales (par exemple, la reproduction triennale de Vipera aspis). Dans la région étudiée, à étés frais, V. aspis souffre d’un net déficit thermique : les femelles ne se reproduisent plus que tous les trois ans en moyenne et la date de la parturition se rapproche dangereusement du début de l’hivernage. Ceci est certainement dû à une thermorégulation écologique moins efficace, peut-être aussi à des exigences thermiques supérieures lors de la digestion et de la gestation. Vipera berus est très certainement avantagée par un taux de natalité plus élevé et par un régime plus éclectique. Mais, gardant un comportement adapté à la vie dans des régions beaucoup plus froides, elle s’expose davantage à l’action des divers prédateurs. Ce phénomène est aggravé par le cycle spermatogénétique comportant une spermiogenèse vernale qui oblige les mâles à une recherche intense et dangereuse de l’insolation à cette époque. Le fait que les deux espèces ne puissent cohabiter et s’éliminent mutuellement, bien que leurs exigences écologiques diffèrent par un certain nombre de points, est dû apparemment à ce qu’elles fréquentent les mêmes biotopes et se trouvent ainsi soumises ensemble à une pression de prédation à laquelle elles réagissent différemment. Un léger désavantage suffit alors pour que l’une d’elles se trouve éliminée, sans qu’intervienne de compétition, alimentaire ou autre. D’après l’ensemble de nos observations, la frontière entre Vipera aspis et V. berus se situe au point où la baisse de fécondité de V. aspis n’est plus compensée par la plus grande vulnérabilité de V. berus aux prédateurs, et inversement.