1985
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Claude Karnoouh, « Une genèse allégorique du politique : le folklore », Revue française de science politique, ID : 10.3406/rfsp.1985.394223
Folklore ou Volkskunde, ce mot évoque un appel qui porte simultanément l'empreinte d'un savoir légitimé et l'écho d'une « primitive innocence » perdurant aux marches d'un monde à présent « télématisé ». Or cet intérêt positif porté aux usages et coutumes populaires apparaît comme un phénomène relativement récent dans l'histoire des idées européennes dont on découvre l'ébauche puis l'épanouissement dans les débats qui occupèrent l'intelligence allemande pendant le dernier tiers du 18e siècle. C'est en s'opposant à l'universalisme de la ratio kantienne que le premier romantisme découvre la culture populaire qui servira à construire la nouvelle langue et la nouvelle culture savante : la Bildung. La référence populaire devait rapidement déborder sur le politique grâce à l'idée de liberté portée par la Révolution française. Ainsi naquit une conception médite de FEtat-nation qui identifiait en une seule et même entité l'étendue de l'ethnie souveraine et l'aire linguistique des parlers. Loin de représenter par rapport à l'universalisme des Lumières une régression, cette conception est le moment inaugural de la modernité politique dont J.G. Herder fut le premier philosophe à systématiser les raisons historiques, linguistiques et métaphysiques. Au travers d'un chemin à rebours qui commence avec les ersatz touristiques les plus dégradés de l'héritage herdérien, la modernité doit être regardée comme une pensée et une dynamique sociale qui incluent les schizes dues aux recours à l'archaïsme ethnique.