1986
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Marie Smouts, « L'organisation internationale, rose des vents dans l'espace cardinal », Revue française de science politique (documents), ID : 10.3406/rfsp.1986.394276
Le Sud n'existe que là où se trouve un lieu d'expression collective et les organisations internationales universelles représentent « l'espace cardinal » par excellence. Les Etats du Tiers Monde ont essayé d'utiliser ces instances pour se construire un espace politique propre et tenter de desserrer les contraintes extérieures pesant sur leur développement. Pour ce faire, ils ont déployé une triple stratégie : réappropriation et réinterprétation des normes occidentales pour leurs fins propres, non-alignement, négociations collectives. Après un semblant de succès au début des années 1970, le Sud semble avoir perdu son pouvoir de marchandage et sa capacité de se constituer en force politique. Les forums dans lesquels il dispose de la majorité adoptent des résolutions sans conséquences pratiques tandis que s'accentuent, au contraire, la bilatéralisation de l'aide publique et le poids des institutions financières internationales avec lesquelles chaque pays négocie individuellement. Il existe pourtant une culture politique propre au Tiers Monde, une façon de se percevoir comme pays en développement et de concevoir les rapports internationaux. La crise des organisations internationales est en grande partie une crise culturelle et le résultat d'un affrontement Nord-Sud/Est-Ouest autour des modèles d'organisation sociale et des conceptions de la personne dont aucun ne se voit reconnaître le droit à l'universalité.