2000
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Philippe Juhem, « « Civiliser » la banlieue. Logiques et conditions d'efficacité des dispositifs étatiques de régulation de la violence dans les quartiers populaires », Revue française de science politique, ID : 10.3406/rfsp.2000.395453
Au début des années quatre-vingt, l'accroissement de la « délinquance » des jeunes et l'apparition « d'émeutes urbaines » amenèrent les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs administratifs variés de contrôle de la violence alliant prévention et répression. L'objet de l'article est de comprendre, en utilisant le prisme d'analyse offert par les conditions d'efficacité de ces dispositifs, quelles sont les logiques d'engendrement des comportements considérés comme violents. C'est seulement en faisant un détour par l'analyse de configurations sociales informelles, les « groupes déjeunes », que les pratiques délinquantes et les phénomènes de violence urbaine peuvent être expliqués. Ainsi, la sensibilité des statistiques de la délinquance aux politiques d'occupation des jeunes adolescents - les opérations anti-été chaud, mais aussi l'allongement de la scolarisation et les stages professionnels — montre que l'institution informelle active dans la production de la violence est bien le « groupe de jeunes », fondé sur la logique du prestige et la « culture de rue » et dont la déambulation oisive dans le quartier offre à ses membres de multiples occasions - parfois illégales et violentes - d'affirmer et de mesurer leur statut. On comprend alors comment les processus de constitution de cités regroupant des familles nombreuses opérant un suivi scolaire faible et se heurtant après 1974 aux difficultés propres au marché du travail non qualifié ont concouru, entre 1960 et 1980, à préparer les conditions de possibilité de la généralisation de la « culture de rue » adolescente et donc de l'émergence du « problème des banlieues ».