1975
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« Vérité prophétique et vérité philosophique chez Nissim de Gérone. Une interprétation du «Récit de la Création» et du «Récit du Char» », Revue des études juives (documents), ID : 10.3406/rjuiv.1975.1808
Dans cet article nous voulons démontrer que R. Nissim de Gérone adopte les vues d'Isaac Albalag touchant les rapports entre la religion et la philosophie : la vérité prophétique et la vérité philosophique sont deux vérités distinctes et chacune est appré¬ hendée par un mode de connaissance qui lui est particulier. La vérité prophétique est appréhendée à la faveur d'un «épanche-ment divino-prophétique », par une connaissance a priori, c'est-à-dire une démarche de cause à effet ; la vérité philosophique est appréhendée par «recherche », par une connaissance a posteriori, c'est-à-dire une progression de l'effet à la cause. R. Nissim développe cette vue fondamentale élucidant le sens des concepts «œuvre de la création » et «vision du char divin ». Il critique l'identification posée par Maïmonide entre «l'œuvre de la création » et la Physique d'Aristote d'une part, et la «vision du char divin » et la Métaphysique d'autre part, et précise que ces sciences étant ésotériques ne peuvent être que basées sur la connaissance prophétique et non sur la connaissance philosophique. R. Nissim fixe le domaine de 1'«œuvre de la création » et de la «vision du char divin » par l'analyse de la connaissance intellec¬ tuelle possible dans ce bas-monde et en précise les limitations. Ici, il est influencé, comme on peut le constater, par des principes épistémologiques en vogue — dans la littérature médicale entre autres — de la théorie sémiologique qui remonte aux stoïciens et aux épicuriens, et aussi par les théories de R. Juda Halévi et d'Albalag quant au problème de la limitation de la connaissance philosophique et du caractère des connaissances prophétique et divine. L'«œuvre de la création » est, selon lui, une explication du rapport causal entre les différents intellects et les formes des choses dans ce monde, et entre ces formes et les actions qui en dérivent ; alors que le «char divin » est la connaissance de la manière dont s'enchaînent les différents intellects à partir de Dieu. La critique par R. Nissim de l'interprétation maïmonidienne des concepts d'«œuvre de la création » et de «vision du char divin » a influencé son disciple Hasday Crescas qui charge ces concepts de significations mystiques.