2003
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Daniel Lançon, « Louis Pierre Mouillard, aviateur utopiste au Caire », Romantisme, ID : 10.3406/roman.2003.6107
Découvrant le grand vautour, maître du vol sans battement, à son arrivée au Caire en 1866, ce professeur français de dessin à l'École Polytechnique rêve que homme s'inscrive dans l'azur égyptien. C'est ainsi qu'il conçoit l'aviation, projet technique et politique, l'invention étant censée donner «la liberté à l'univers.» Le Mouski où il s'installe est ce quartier stratégique d'une rencontre Orient/Occident. Louis Pierre Mouillard y réfléchit aux nécessaires travaux publics visant à la prospérité du pays et devient le correspondant de journaux égyptiens et français. Les rares témoignages directs de sa vie font état d'un inextinguible besoin de découverte que ses contemporains jugent bientôt une dangereuse chimère. Après avoir connu la notoriété grâce au journal parisien L'Aéronaute, il survit, guidant les étrangers, donnant des cours de français, se faisant herboriste ou écrivain public, suivant plutôt l'écriture d'une liberté dans les trajectoires des grands rapaces. Après de multiples expérimentations, il meurt dans la misère en 1897, après avoir confié ses dernières notes à un ami ingénieur qui en fera bénéficier les frères Wright. Les savants de l'Institut Égyptien entreprennent dès 1901 une campagne destinée à démontrer son génie, et certains écrivants cairotes d'expression française en font le porte-parole de leur idéalisme transculturel et de leur rêve - bientôt brisé - de communautés ouvertes. Cet utopiste, précurseur du vol à voile, de l'art des planeurs et autres ailes volantes, réinventé/réifié par les corps constitués, déclaré «Egyptien» d'honneur servant sa seconde patrie ou «héros français», pourrait, bien davantage en effet, être déclaré le précurseur de l'imaginaire aérien, mieux encore le poète d'une œuvre largement inconnue de lui-même.