2012
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Paul Garde, « La théorie de la langue chez Šiškov », Revue des Études Slaves, ID : 10.3406/slave.2012.8221
Dans la tradition historiographique russe, l’amiral a. s. Šiškov apparaît comme un personnage ridicule, un ennemi du progrès cherchant à promouvoir une langue incompréhensible remplie d’archaïsmes. L’étude attentive de ses écrits montre pourtant qu’après cette oeuvre d’humeur qu’est son célèbre pamphlet de 1803, dirigé contre le «nouveau style » , sont venus des textes plus réfléchis, où se dessine une véritable pensée linguistique. Il distingue l’étude de la langue de celle de la littérature, et professe que la linguistique doit avoir une méthode inductive, fondée sur une étude systématique des faits. cherchant à définir ce qu’est l’objet de cette science, il en énumère tous les éléments : langue courante, mais aussi mots spéciaux ou dialectaux, états anciens attestés ou reconstitués. appliquant ces principes à sa langue maternelle, qu’il appelle «slavorusse » , il affirme l’unité de ce que nous appelons «slavon » et «russe » , qui selon lui ne se distinguent que par des traits de «dialecte » et se «style » , tous les dialectes et les styles ayant une égale valeur. La langue ainsi conçue a aussi, pense-t-il, une unité logique, car chaque langue «raisonne à sa façon » ; le lien étymologique entre les mots n’est que le reflet du lien logique entre les idées, et l’introduction de mots étrangers (emprunts ou, pire encore, calques) ne peut que perturber cette logique. cette doctrine est donc porteuse de quelques idées intéressantes et fécondes. elle pèche évidemment par dogmatisme, par négation de l’évolution et par incompréhension des besoins du présent, ce qui explique son échec.