2010
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Jean-Claude Devinck, « La lutte contre les poisons industriels et l’élaboration de la loi sur les maladies professionnelles », Sciences Sociales et Santé, ID : 10.3406/sosan.2010.1963
Entre 1830 et 1880, la majorité des travaux des hygiénistes traite des grandes intoxications professionnelles causées par le phosphore, le plomb et l’arsenic, mais le discours de l’hygiène industrielle apparaît décalé au moment où sont par ailleurs loués les merveilles de l’industrie et les prodiges de la mécanisation. Ce n’est qu’avec l’arrivée du mouvement ouvrier organisé que le problème change de nature. L’hygiène du travail devient pour les ouvriers un sujet de discussion et de revendication, le support d’une lutte contre le patronat et, enfin, l’objet d’un savoir propre sinon opposable, du moins complémentaire à celui des professionnels de la santé ouvrière. Dans un premier temps, les luttes s’engagent vers une interdiction des produits toxiques puis, au début du XXe siècle, les syndicalistes ajoutent à leur combat l’assimilation des maladies professionnelles aux accidents du travail. Pendant près de vingt ans, la CGT (Confédération générale du travail) considérera ces combats comme complémentaires ; l’assimilation des maladies professionnelles aux accidents du travail est alors posée non pas comme une alternative à la suppression des poisons industriels, mais comme une mesure d’accompagnement. Le retour à la paix marque l’abandon définitif de la lutte pour la suppression des poisons industriels dans l’industrie. En effet, cette notion disparaît du programme minimum de revendication élaboré en novembre 1918, par le Comité confédéral national de la CGT. N’y subsiste que l’assimilation des maladies professionnelles aux accidents du travail. Dès lors, les syndicats ouvriers vont se laisser enfermer dans la seule réparation des maladies professionnelles. Il faudra attendre près de soixante-dix ans et le scandale de l’amiante pour voir de nouveau l’interdiction d’un produit toxique en France.