26 novembre 1766
CC-BY-4.0 , Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes
Prax, « Lettre de Prax à Jean-François Séguier,1766-11-26 », Archives savantes des Lumières. Correspondance, collections et papiers de travail d'un savant nîmois : Jean-François Séguier (1703-1784), ID : 10.34847/nkl.03f8720c
Monsieur J’ai reçu les ardoises herborisées que vous avez eu la bonté de me ménager. Je suis enchanté de la méprise ou pour mieux dire que ma lettre en remerciement du premier envoi en ce genre se soit égarée. J’ai reçu avec celui-ci trois envois, desquels je vous fais les plus vifs remerciements. Je trouve ces productions si admirables que je ne puis me résoudre à en céder à quelques-uns de mes confrères. Je vais en encadrer quelques-uns, surtout celles que vous avez pris la peine de polir. Je suis très flatté de la demande que vous me faites du jayet qu’on trouve dans le pays. Je le serai encore /[v] plus si je pouvais ajouter à votre belle collection quelque pièce digne de votre attention. Vous serez servi selon vos désirs. Je n’attends que le beau temps pour aller choisir moi-même une pièce de jayet que j’accompagnerai d’un bloc de mine de fer assez singulier qui a véritablement le poli et le luisant du jayet lustré. Parmi les merveilles de la nature qui se trouvent dans le pays je trouve quelque chose digne de vous être offert. J’en grossirai l’envoi pour cet effet. J’attends une commodité favorable pour vous faire passer une caisse. Rien cependant ne me flatte tant que votre correspondance. Je ferais tout mon possible pour me ménager vos bonnes grâces. Le P. Jobert, qui me charge de vous assurer de ses respects a eu la complaisance d’entrer dans un détail sur l’arrangement de votre cabinet. M. d’Argenville m’en avait déjà donné une haute idée au point de me faire entreprendre [v] le voyage de Nîmes, premièrement pour vous assurer de mes respects et profiter de vos leçons, en second lieu pour admirer les merveilles en tout genre qui décorent votre cabinet et par contre coup pour voir les beautés de Nîmes. J’ai fait la découverte d’une espèce de bois pétrifié quel qui soit. J’ai résolu de vous en faire part. Notre prélat n’est pas dans le pays. Dès qu’il sera arrivé, je me ferai faute de m’acquitter de la commission. Je ne puis vous témoigner ma sensibilité pour les marques de bonté que vous lui témoignâtes avoir pour moi. Si vos minéraux, Monsieur, qui selon M. d’Argenville sont en grand nombre, offrent quelque chose de singulier, comme je n’en doute pas, et que vous puissiez sans abimer l’économie de votre cabinet en détacher quelques échantillons, je vous en aurai une obligation infinie auquel cas vous m’obligerez infiniment de les étiqueter, je vous fais la même prière pour toutes les autres productions [v] dont vous pourrez me faire part. je ne demande que les miettes que vous rejetez, vous m’enrichirez par là sans vous appauvrir et rien n’égalera ma reconnaissance que le respect infini avec lequel je suis, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur. Prax chanoine Alet le 20 novembre 1766. Je n’ai jusqu’ici rien découvert dans les mines de jayet, quelque soin que j’aie pris. Un Monsieur qui les fait exploiter me dit avoir trouvé à 200 pieds, dans la terre, une huitre bien nacrée qui fut trouvée dans la mine. Elle n’était pas dans ce temps, et ce Monsieur étant un grossier, il jeta cette pièce que je regrette tous les jours.