Lettre de Pierre-Joseph Amoreux à Jean-François Séguier, 1777-09-01

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1 septembre 1777

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CC-BY-4.0 , Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes




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Pierre-Joseph Amoreux et al., « Lettre de Pierre-Joseph Amoreux à Jean-François Séguier, 1777-09-01 », Archives savantes des Lumières. Correspondance, collections et papiers de travail d'un savant nîmois : Jean-François Séguier (1703-1784), ID : 10.34847/nkl.1baemfnu


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[fol. 97] A Montpellier ce 1er septembre 1777. Monsieur, Vous êtes l’homme du monde que je connais le plus obligeant. Vous ne perdez pas même de vue les anciennes prières qu’on vous a faites et vous trouvez les occasions de vous affectionner vos amis. Je veux croire que vous n’avez point acheté la Nomenclator Spachii que vous avez eu la bonté de m’envoyer car vous m’en aurez appris le prix, mais telle que soit l’occasion qui vous l’a fait tomber entre les mains, je voudrais pouvoir vous en témoigner ma reconnaissance autrement que par des remerciements. Il y a environ un mois que je rencontrai par hasard M. de Genssane qui passait ici en voyageur. Il me dit où il allait, mais cela m’a échappé de la mémoire. Je m’informerai de la demeure actuelle et si je puis lui faire parvenir votre lettre je la lui enverrai sinon je vous la ferai réparer. Si à son retour, il me remet quelque chose pour vous, je m’en chargerai bien volontiers et vous pouvez compter que cela sera en sûreté. Je me chargerai également de ce que M. de Saint-Priest le fils voudrait vous donner en fait de minéraux & c. mais je ne vais dans cette cour que très rarement, tout au plus une fois l’an, tellement je suis peu enclin à faire le client et me connais maladroit à réussir dans ce genre. J’ai même lieu de croire que je serai aussi mal vu du fils que du père. Le père m’a témoigné cent fois le plaisir qu’il aurait à me voir plus souvent chez lui et je crois, si je ne me trompe, que le ton froid du fils a sa source dans notre liaison avec Gouan, mais cela n’empêchera pas que je ne rende justice aux talents de celui-ci, quel que soit d’ailleurs son caractère. [fol. 97v] Vous m’aviez prêté autrefois une dissertation latine sur la gymnastique par Boerner ou Plater, peut-être l’une, peut-être l’autre. J’en avais fait un extrait que je cherche vainement. Ou je l’ai perdu ou il est enfoui dans un tas de papier. Vous m’obligerez de me la faire passer. Ma sœur doit venir vers la mi-septembre. Elle s’en chargera. Si vos infirmités vous permettent de m’écrire, alors veuillez bien m’indiquer les auteurs, autre que Paschal et Maderus qui ont écrit expressément sur les couronnes des anciens. J’ai l’ouvrage de premier et je sais que celui de Mader est inséré à la fin du 8e volume des antiquités romaines de Grew. Si vous avez quelque livre sur cet objet et qui soit portatif, je vous prie de me le communiquer. Ou trouverais-je quelque chose de précis et d’instructif sur la forêt de Dodone. Le temps des vacances est celui où je suspends l’étude de la médecine pour me barbouiller un peu de littérature, mais je n’aime point la trop élégante, je préfère l’érudite. L’hôtel de l’académie sera bientôt achevé de réparer, mais M. l’architecte nous a agité comme c’est l’ordinaire. Il nous faudra environ dix mille livres de plus. Celui qui mène le branle dans cette affaire dit savoir où les trouver. Laissons-le faire puisqu’il obtient tout ce qu’il demande et Dieu lui donne vie. M. Poitevin a fait imprimer une table de la quantité de pluie tombée ici pendant dix ans. Recevez-en un exemplaire. M. Rast, médecin de Lyon et le bienfaiteur perpétuel de notre bibliothèque publique de médecine, vient de nous faire en dernier lieu un autre envoi de livres aux espérances d’un autre à l’automne. Parmi les livres doubles qui se sont trouvés et que nous sommes dans l’usage de vendre pour en acheter d’autres, il s’est trouvé 38 volumes des mémoires de l’académie royale des sciences qui font suite depuis son renouvellement en 1699. Ils sont en bon état. Nous les donnerons à moitié prix. Voyez si quelqu’un en aurait l’envie à Nîmes. [fol. 98] Vous avez entendu parler sans doute de ce flux et reflux considérable observé à Sète le 1er d’août, mais comme les relations sont altérées en passant de bouche-à-bouche, j’ai cru vous faire plaisir que de vous donner la copie de la lettre que m’écrivit le 13 du mois M. Boriès médecin à Sète et témoin oculaire. Voici ce qu’il me mande : «  le ciel était couvert et donnait quelques goûtes de pluie par intervalles. Il soufflait un vent léger de sud et que la mer était calme. J’étais à la fenêtre de mon cabinet à voir démâter une tartane. Vers les quatre heures après dîner on entendit tout d’un coup un bruit sourd (sous vent) et il tombait quelques goûtes de pluie. Les eaux s’élevèrent d’environ quatre pieds et coururent avec violence dans la direction du canal par sud et nord. Il y avait donc ce moment beaucoup de barques depuis l’entrée du canal qui sort à 50 toises de l’embouchure jusque sous mes fenêtres. Les amarres du plus grand nombre des barques ne purent résister à la secousse de la crue subite d’eau et du courant qu’elle avait produit. Une entre autres dont les deux amarres rompirent à la fois, cela avec une rapidité étonnante et chassa sur son arrière. Ce désordre jetta l’alarme dans toutes les tartanes dont les équipages furent obligés de porter d’autres câbles aux bagnes et se disposèrent à contenir d’autres chocs. La première direction du courant dura environ trois minutes. Après cet intervalle de temps, les eaux prirent tout d’un coup une direction (aussi rapide que la précédente) contraire à la première, de façon que les eaux courraient nord au sud. Les bâtiments obéirent à l’impulsion du courant et baissèrent à tel point que la plupart se trouvèrent avoir la proue à sec. Cet état critique pour les barques fut d’environ trois minutes que dura la seconde direction qu’avaient pris les eaux, après quoi ils reprirent leur première direction du sud au nord, qu’elles gardèrent jusque bien avant dans la nuit [fol. 98v] avec cette particularité qu’elles haussèrent et baissèrent alternativement de temps à autre à vue d’œil de façon que d’une minute à l’autre il y avait jusqu’à deux pieds de différence ». Voilà M. l’observation que j’ai faite moi-même sur ce phénomène qui est d’autant plus singulier qu’il n’y e eu aucune cause apparente qui ait pu la produire. Ce n’est pas la première fois que cela est arrivé. Il y a environ 13 mois qu’on l’observa à dix heures du soir et il y a 23 ans qu’un pareil reflux laissa le canal presque à sec. J’ai envoyé pareille copie à M. l’abbé Rozier pour son journal de physique, des phénomènes aussi peu observés sur notre mer méritent d’être recueillis. J’envoie au même un extrait de la description d’une tortue de mer coriacée et prodigieuse du poids de 15 à 16 quintaux qui fut pêchée à Sète le 3 du mois de juin. Je n’ai rien observé de l’intérieur parce que qu’on nous l’enleva le lendemain et que rapporté à Sète on fut obligé de la vider à cause de l’infection qu’elle commençait à répandre. Je lus cette description à la société. M. Bouillet, médecin de Béziers, l’un de nos associés libres, est mort. On a donné la place à M. de Joubert, trésorier général de la province, ci-devant président à la Cour des comptes. Je cherche en vain les Lettres édifiantes, personne ne les a ici. Je suis bien assuré que vous les avez. J’aurais besoin de consulter les volumes 26 et 27, mais il faut finir, car bientôt je mettrais votre bibliothèque en désordre. Je suis toujours avec le plus respectueux attachement, Monsieur Votre très humble et très obéissant serviteur Amoreux fils méd. Personnes citées : Johann Joachim Maderus (1626-1680) Marie-Joseph-Emmanuel Guignard de Saint-Priest (1740-1802), conseiller du Roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police et finance en la province de Languedoc. Jean-Baptiste-Antoine Rast de Maupas, docteur en médecine de la faculté de Montpellier, agrégé au collége de médecine de Lyon, membre de l'académie royale des sciences, belles-lettres et arts et de celle d'agriculture Jacques Poitevin (né en 1742) Ouvrages cités : Nomenclator scriptorum philosophicorum atque philologicorum, hoc est succincta recensio eorum qui philosophiam omnesque ejus partes quovis tempore idiomateve usque ad annum 1597 descripserunt... collecta et digesta ab Israele Spachio, Strasbourg, 1598 Mader, Joachim Johann, De Coronis, nuptiarum praesertim, sacris et profanis, Helmsted, 1662. Graevius, Johann Georg, Thesauro antiquitatum romanarum, Leyde, 1694-1699, 12 vol. Paschal, Carlo, Opus de coronis, Leyde, 1671. Histoire et mémoires de l’Académie royale des sciences, Paris, 1699-1797. Du Halde, Jean-Baptiste, Lettres édifiante et curieuses, écrites des missions étrangères…, Paris, 1703-1776, 34 vol.

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