Lettre de Pierre Cusson à Jean-François Séguier, 1774-12-21

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"[transcription] Montpellier le 21 décembre 1774 Mon cher maitre Vous avés deux pieds d’heracleum alpinum Lin. dont un au moins n’est pas douteux et je me suis travaillé comme je l’ay fait pour me le procurer. J’en suis inconsolable. Je l’ay demandé en plusieurs endroits en Suisse, à Genève, à Vienne, en Autriche, à Paris. Point d’heracleum alpinum excepté de Paris d’où j’ai eu seulement une feuille radicale et deux ombelles infimi ordinis en mauvais état. Ainsy je n’ai rien eu pour me décider car il me faut un peu de la tige supérieure. J’ay fini de vos selinum, je vous les enverray par la 1ère commodité sure. J’ose vous supplier de me renvoyer vos ais avec vos deux échantillons d’heracleum alpinum ou (pour mieux faire car ce genre est actuellement pour moy plus difficile que les seseli) avec vos deux échantillons d’heracleum alpinum et de toutes les autres espèces de ce genre que vous aurés. J’y trouveray peut-être l’H. panaces Lin. et l’H. angustifolium Lin. Comme ce service en demande un autre [fol. 179v], vous y gagnerés vraysemblablement : 1° Quelque espèce qui vous manque, au moins plusieurs brillantes variétés. 2° Une espèce nouvelle dauphinoise que je viens de déterminer que j’appelleray ou heracleum delphinense ou delphinatum ou decompositum. 3° La détermination de votre alpinum avec certitude et distinction de mon heracleum simplicifolium des Pyrénées et par conséquent celui cy s’il est espèce distincte de l’alpinum. Car j’attens de Vienne d’un jour à l’autre les 3 heracleum gravés dans la Flora austriaca de Jacquin avec la figure très bien faitte et la description de l’alpinum. Mr de Mygind qui me le décrit d’après un pied entier fait venir à grands fraix de l’endroit où on l’a trouvé. C. Bauhin me l’a fait dessiner sur ce pied qu’il a dans son herbier. Je joindray à ce petit don : 1° Un échantillon de mon eryngium spinale dont j’ay deux échantillons (superbe espèce du Dauphiné et du mont Ventous) ; 2° Un superbe peucedanum qui peut-être n’est que l’alsalicum, mais au moins c’est une bien élégante variété pyrénéenne du peucedanum susdit ; il peut se faire (je le sauray bientôt) que c’est une espèce nouvelle, très affine mais distincte de l’alsalicum. [fol. 180] ; 3° Quelque chose de plus et qui ne vient pas présentement. Comptés sur tout cecy au retour des heracleum. En me renvoyant vos deux ais chargés de tous vos heracleum, joignés y les cochrys orientalis ferulæ folio tenuiore fructu aiato plano Tourn. Cor. que vous avés oublié de joindre à vos selinum quoique vous l’annonciés : votre échantillon peut perfectionner ma description. Je verray le votre avec plaisir. Voyés si vous n’avés point dans votre herbier (car peut-être avés vous des ombellifères que je cherche) : 1° L’eryngium pusillum Clusii (ce n’est pas l’eryngium pusillum Lin. que j’ay) ; 2° Une ombelle ou tête de l’eryngium siculum capitatis polylii de Boccone) rapporté mal à propos par Linné à son Er. Tricuspidatum ; 3° Un pied entier de sanicula canadensis Lin. ; un échantillon de myrrhis annua lusitanica pastinacæ folio semine villoso Tourn. (hanc miserè […]). 4° Un pied entier de l’athamanta annua Lin. ; 5° Un échantillon de ferula glauca L. et du ferula ferulago L. (instruisés moi des différences de Lin. et de l’autre d’avec la ferula communis si elles vous sont connües). 6° Un échantillon du ligusticum cornubiense L. ; 7° L’angelica atropurpurea Lin. ; 8° Le bubon gummiferum Lin. et le bubon rigidius Lin. ; 9° Une ombelle en fleurs du cochrys cretica angelicae folio asphodeli radice Tourn. Cor. ; 10° Thapsia foetida Lin. et les thapsia 2a 3a 4a. Clusii ; 11° L’archangelica Clusii ; 12° de ombellifères portugaises de Tournefort. [fol. 180v] Voilà l’état de mes besoins actuels malgré tous les soins que je ne cesse de me donner depuis 6 ans faits et révolus. Si vous avés quelque chose de ce catalogue, joignés le, je vous prie, aux heracleum que j’ose vous demander. Mes complimens, je vous prie, à Mr Baux et à Mr Granier que je remercie fort. J’ay des livres allemans traduits et diverses grammaires : grand mercy pour le présent. Nous attendons avec impatience la matière médicale de Spielmann. Mr de Mygind me parle du système vegetabilium de Mr Murray, et par quelques fautes sur les ombellifères qu’il y relève, je vois que ce livre est dans le goût du Mantissa 2a, de laquelle Mr Mygind me disait in hoc opere magis confudit Linnaeus quam illustrat. J’ay un désir très vif de le voir. Je ne l’ay pas ni ne l’auray. J’ose espérer que vous m’en ferés lire ce qu’il dit sur les ombellifères. Je feray mes notes et mon extrait et vous le renverray tout de suite. Je sens que je l’aurés bientôt expédié. Il est singulier que votre ligusticum soit un selinum. Bien des genres d’ombellifères n’ont en vérité chés Linné point de consistance. Je seray pourtant très curieux, quoiqu’il prouve depuis longtemps qu’il ne sait pas mieux faire, de voir les ombellifères dans son nouveau systema naturae en 6 volumes. J’ose compter sur vous, s’il vous parvient. Tuus per saxa per ignes. V.S. Cusson"