8 août 1778
CC-BY-4.0 , Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes
Jean-Pierre Papon et al., « Lettre de Jean-Pierre Papon à Jean-François Séguier, 1778-08-08 », Archives savantes des Lumières. Correspondance, collections et papiers de travail d'un savant nîmois : Jean-François Séguier (1703-1784), ID : 10.34847/nkl.5bd6kdiy
[transcription] Paris, le 8 août 1778 Monsieur, Je connaissais déjà le moyen ingénieux que vous aviez employé pour découvrir l’inscription de la Maison Carrée. Vous avez répété avec autant de succès la même opération sur la frise du monument qu’on voit à Arles et vous avez rétabli l’inscription qu’on y avait mise. Je suis persuadé qu’elle est exacte. L’épithète de divus donnée à Constantin, mort dans la religion chrétienne, pourrait faire naître des difficultés, mais elle ne m’arrête pas. J’en conclurai ou que le plus grand nombredes personnes qui présidèrent à la construction de ce monument étaient encore idolâtres, ou que le mot divus était regardé comme un terme d’usage dans les inscriptions, une affaire de style à laquelle on attachait aucune importance. Ce langage changea quand la religion chrétienne devint dominante et qu’on voulut écarter des yeux du peuple tout ce qui ressentait l’idolâtrie. Il est à vous de juger de la justesse de ces réflexions. [fol. 119 v] Je ne considère point les municipes dans leur état du temps des Romains. C’est un terme dont je me sers pour traiter une question imporante en notre droit public. Vous savez que nous avons en Provence, comme dans le Languedoc, le franc-aleu. Ce droit est fondé sur ce que la servitude n’a jamais été générale dans ces deux provinces. Il y a toujours eu, dans les villes surtout, une association de personnes libres qui ont eu des magistrats, des lois, et des usages, reste de l’ancien droit romain par lequel ils gouvernaient et réglaient les intérêts du commerce. J’appelle municipes les villes qui avaient ce droit-là, pour les distinguer des communes qui ont obtenu du seigneur ou du souverain leurs privilèges et le droit d’élire leurs magistrats et de suivre des règlements de police & c. Après les communes venaient les bourgeoisies qui font une classe à part et le caractère distinctif était de pouvoir se donner des magistrats, étant soumis aux officiers du roi et du seigneur, et de n’avoir au lieu des statuts municipaux que des affranchissements. En suivant les progrès de nos municipes, je fais voir par quels degrés ils s’érigèrent insensiblement en république et se donnèrent des [fol. 120 r] podestats comme les républiques d’Italie. Je fais connaître les fonctions et les prérogatives de ce magistrat & c. Voilà en peu de mots ce que c’est que mon mémoire, que je suis obligé de renvoyer au 3 e volume. Je m’en vais vous dire le mot pour les inscriptions de Dauphiné. J’ai un de mes confrères, qui voulait entreprendre l’histoire de cette province, mais auparavant il serait bien aise de savoir ce que les antiquités lui fournissaient. C’est un homme discret: s’il entreprend son ouvrage, il donnera les inscriptions comme les tenant de vous et s’il ne les donnait pas, il vous les renverrait pour ne pas vouspriver du mérite de votre travail. Voilà ce qui en est, mais je soumets mes demandes à votre zèle et à votre discrétion et vous prie de croire qu’on ne peut être avec plus d’attachement et d’estime, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Papon, de l’Oratoire.