Lettre de Joseph Williams à Jean-François Séguier,1777-08-25 (traduction)

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25 août 1777

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CC-BY-4.0 , Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes




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Joseph Williams et al., « Lettre de Joseph Williams à Jean-François Séguier,1777-08-25 (traduction) », Archives savantes des Lumières. Correspondance, collections et papiers de travail d'un savant nîmois : Jean-François Séguier (1703-1784), ID : 10.34847/nkl.67e9uzbp


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[traduction] Marseille août 25 1777 La bienveillance d’un vrai chrétien ecite en vous la disposition & vos connaissances classiques vous fournissent les moyens de rendre justice à ces premiers objets de l’antiquité qui ont échappé à la tyranie de l’ignorance cet ennemi de la gloire humaine qui pendant 800 ans a maintenu son empire dans le monde. Votre science et vos lumières ont rétabli en beauté ce que les ignorantes mains des barbares avaient effacées. Votre érudition a réparé ces pertes que la grandeur romaine avait éprouvées par leurs cruels ennemis. Je puis dire avec vérité à l’égard de ces hommes respectables que vous avez été un fidèle interprète, un ami pour le génie, & un père pour les plaisirs refusés de l’entendement. Permettez-moi, Monsieur, de vous offrir quelques observations avec tous les égards dûs à votre caractère & cela plus pour vous montrer le désir d’aprocher de votre sanctuaire des sciences que pour croire d’ajouter quelque chose à votre fonds de connaissances littéraires. Divisant l’antiquité en mobiles comme les statues et les peintures, & immobiles comme les temples et les autres édifices publics, il y a à Nîmes, Arles & Orange plus d’objets qui conservent leur forme originale qu’il n’y en a à Rome dans ce jour. De tous les fragments de religieuse structure, le temple de Diane, quoique ruiné est le plus entier. La Maison Quarrée est presque dans un état d’apparence complète sans beaucoup de secours modernes, différant entièrement en cela du temple dont l’architecte Dawkins nous a décrit les framents existants à Palmyre ; jusqu’à ce que vos profondes lumières nous eussent expliqué les circonstances caractéristiques de leur construction à Nîmes, une grande partie de leur histoire et de leur destination était ignorées [fol. 1v] Nous avons appris par votre moyen non seulement leur époque distincte & exacte, mais même nous avons découvert la nature de l’adoration. Néanmoins, craignant d’abuser de vos bontés à mon passage à Nîmes, je partis avec quelques doutes, que vos lumières & votre réponse peuvent dissiper. Quoique je conçoive parfaitement comment la victime était menée à l’autel et comment se faisait le sacrifice dans le temple de Diane, cependant je ne puis découvrir comment cet édifice pouvait recevoir une lumière suffisante, mon digne ami le dr Astruc était d’avis qu’il n’y en avait d’autre que celle qu’on revenait du feu de l’autel, je ne puis ainsi concevoir dans quelle partie du temple et comment les prêtres rendaient leurs oracles. Je ne me rappelle pas d’avoir vu aucun vestige de siège dans cet édifice et je ne puis pas non plus conjecturer où était placée la musique. Le dr Chandler dans sa savante description du temple d’Ionie s’est renfermé dans la connaissance de l’architecture ; il n’a point recherché avec attention toutes les parties de ce temple, au point de découvrir la différence exacte du culte initié par le peuple de ce temps là, vous pouvez Monsieur en comparant ces 3 magnifiques monuments, celui de Palmyre, celui d’Ionie et celui de Nîmes découvrir différentes circonstances du culte qui caractérisent les différentes périodes de temps, dans lesquels ces trois fameux temples furent bâtis, la Maison Carrée est un exemple frappant de l’excellence de l’art romain, s’il a jamais atteint la perfection. La manière solide, le goût excquis et la sublimité de sa grandeur annoncent et donnent une idée respectable de sa destination sacrée. Les marches, le vestibule, l’étendue de la porte, indiquent qu’aucun animal n’entrait dans le temple. La raison à l’approche de la révélation commence à donner des notions de religion plus sûre que celles qu’un pratiquant dans des temps plus obscurs [fol. 2]. On appele à présent très improprement tous les temples païens, car les anciens eux-mêmes appelaient païens ceux là seuls qui rendaient leur culte dans les champs. La partie civilisée rendait le leur dans les temples. La manière de bâtir sans ciment est une des preuves marquées de l’art des anciens. En se servant de pierres d’une immense grandeur, ils conservaient une symétrie simple et le plus juste équilibre. Le premier produisait un bel effet et le second lui donnait de la force. Ni les tempêtes, quoi que violentes, ni les ravages du temps, quoique puissantes, ni la guerre elle-même la plus effrayante et toutes les calamités n’ont pu détruire ces bâtiments. La qualité peu solide du mortier est très bien connue pour ne pas nous justifier nous autres modernes d’avoir voulu bâtir d’après leur solide manière. Le fameux port d’Athènes est encore entier aujourd’hui. La plate-forme est en pierres sans ciment. J’attribue à cette circonstance l’existence de cet ancien rendez-vous du commerce & je suis d’opinion d’après cela que les Romains ont pris les Grecs cette manière de bâtir. Ces grands fondateurs du goût, de l’érudition et de l’élégance ont été très malheureux depuis leur décadence : les Romains ont eu des amis pour éloigner la destruction de leurs ouvrages, au contraire l’ignorance des sultans s’est emparée de l’ancienne Grèce et leur archives qui pouvaient nous instruire sont inaccesibles. C’est une petite reconnaissance pour l’homme instruit de rendre justice aux vrais inventeurs de ce goût excquis de bâtir sans ciment. Quoi que je désire de donner aux Romains tous l’éloge qu’ils méritent. Je ne puis découvrir pourquoi ils ont construit à grands frais des Aqueducs pour porter de l’eau à une très grande distance en des places où il y en avait en abondance comme Lyon. Je suis très surpris de ne point leur voir d’idée d’hydraulique. La destination du théâtre d’Arles est très différente de celle du théâtre de Nîmes. Le premier était réservé [fol. 2v] pour les choses et les comédies & l’autre aux exercices guerriers, les apartements au nombre de treize sous le théâtre sont très différents des apartements destinés aux combattants et aux bêtes féroces dans l’amphithéâtre. Il y avait dans celui-ci du sable pour sècher le sang des malheureuses victimes. L’humanité a toujours caractérisé la bravoure, le théâtre au contraire avait des fragments dans le genre mosaïque. J’ai vu de ces fragments dans de petites maisons occupant à présent le milieu de ce théâtre. C’est très certain que le petit-fils du grand Constantin mena beaucoup de Grecs avec lui à Arles qui n’eurent par égard aux loix des bâtiments chez les Romains le devoir de faire leurs saillis avec des pierres. Pompée publia cette loi après la terrible chute du théâtre de Fidène ou vingt-mille hommes périrent. Les Empereurs à la fin donnèrent quelque chose à l’apparence et la firent prévaloir sur la solidité. Le temps a donné la valeur réelle aux deux manières et à celle qui a triomphé de la splendeur périssable de l’autre. Quand j’ai commencé cette longue épître, je croyais peu d’être si ennuyeux, mais les charmes puissants de la respectable antiquité ont prévalu sur mes désirs d’observer la brieveté. J’exécuterai avec exactitude ma promesse pour l’ouvrage de Junius que vous avez bien voulu accepter, mais je vous prie de me donner le nom de votre ami à Paris pour pouvoir lui adresser. Personnes citées : James Dawkins (1722-1757), architecte, « découvreur » de Palmyre en 1751. Dawkins, John, Ruins of Balbec otherwise Hielopolis, Londres, 1757.

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