Lettre de Gabriel Fabricy à Jean-François Séguier, 1779-09-15

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Date

15 septembre 1779

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CC-BY-4.0 , Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes



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honestum

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Gabriel Fabricy et al., « Lettre de Gabriel Fabricy à Jean-François Séguier, 1779-09-15 », Archives savantes des Lumières. Correspondance, collections et papiers de travail d'un savant nîmois : Jean-François Séguier (1703-1784), ID : 10.34847/nkl.b9301748


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Résumé

[transcription] À Rome, 15 septembre 1779. Monsieur, Quel que soit le prix que vous voulez bien mettre, vous et M. l’abbé de Saint-Véran, aux petits soins que je me suis donnés pour pouvoir enrichir quelques bonnes pièces d’éditions qu’il nous prépare des lettres de Holstensius, je ne cache pas que je n’ai presque rien fait, mais je ne suis pas moins sensible aux témoignages de reconnaissance que vous m’en marquez l’un et l’autre. Ce savant vient de m’honorer d’une lettre latine la plus obligeante au monde. Je lui réponds par cet ordinaire, en le remerciant moi-même de tous ces sentiments de bienveillance qu’il daigne témoigner. J’ai accepté en même temps bien volontiers les offres de service qu’il veut bien me faire, comme je lui ai écrit extrêmement à la hâte. J’ai pris la liberté de le renvoyer à ce que j’ai l’honneur de vous marquer présentement sur ce qui peut-être relatif à son édition. Par le dernier courrier, je priai notre aimable prieur de Nîmes, le R. P. Clappiers de vous communiquer un article de la lettre que je lui écrivis. Je ne doute point qu’il vous en ait fait part. cet article concerne environ six lettres manuscrites d’Holstensius et qu’un savant de mes amis, M. l’abbé Vernazzo, écrivain en langue grecque de la vaticane, m’a remises pour en prendre copie. Comme dans la première lettre manuscrite d’Holstensius où il est parlé de la mort d’Aléandre, je m’aperçus que vers la fin, il devait y manquer quelque chose, car cette phrase me paraît louche. Je m’adressais au dit M. Vernazzo pour savoir de lui-même d’où il tenait ces lettres manuscrites. Il me répondit qu’il y avait bien du temps qu’il les avait reçues d’un ami qui les avait recopiées autrefois d’après un manuscrit quepossède la bibliothèque de Carpentras et qu’avait M. d’Inguimbert qui en avait été évêque. Il ne m’en fallait [fol. 34 v] pas davantage pour suspendre le dessein que j’avais de vous faire transcrire ces mêmes lettres qu’aura sans doute M. l’abbé de Saint-Véran. Par les indications que [je] vous en donnai dans ledit article de ma lettre à notre prieur de Nîmes, il est aisé de confronter ces mêmes lettres de Holstensius avec celles qu’on aura à Carpentras. Je vous en cite le commencement de chacune et pour ne point faire ici une double fatigue, je me dispense de vous en transcrire ces mêmes commencements, ainsi que les dates. Je suis persuadé que le R.P. Clappiers vous aura communiqué tout cela. Ces mêmes lettres me paraissent assez intéressantes. Le copiste s’y sert malheureusement d’un caractère un peu difficile à déchiffrer. Quoi qu'il en soit, j’attends vos ordres là-dessus pour savoir ce que vous souhaitez que je fasse dépendamment de ces lettres manuscrites. Je souhaiterais bien pouvoir pénétrer moi-même dans la bibliothèque du prince Chigi que vous vîtes à Nîmes. Je regarde cela comme très difficile.Supposé même que je le pusse, y trouverai-je ce que nous cherchons? Et l’ayant découvert, me permettra-t-on d’y envoyer un copiste pour transcrire ce qui nous sera nécessaire pour notre collection. Voilà des doutes qui sont fondés, parce que je connais nos Romains et leur façon de penser peu communicative. Et ce qui est encore très fâcheux, c’est que je manque absolument de loisir pour correspondre aux vœux de ceux qui veulent bien m’honnorer de pareilles commissions. Ce n’est pas peu que nous ayons eu les 14 lettres de Peiresc par ce même ordinaire. J’en envoie la bonne copie à M. de Saint-Véran sous le pli du vice-légat et c’est par la même voie que vous recevrez la présente. Je tiens devers moi l’autre copie desdites lettres, moins bien écrite que la première. Comme mon copiste français n’avait pas tout le temps nécessaire pour transcrire ces lettres avec toute la commodité possible, dans la bibliothèque Barberini, il en fit d’abord une copie un peu à la hâte quoique fidèle, qu’il mit ensuite beaucoup plus au net, étant retiré chez lui. La bibliothèque Barberini n’étant ouverte que deux jours de la semaine que pendant deux heures avant midi,avouez que c’est une misère [fol. 36 r]que d’avoir si peu de temps pour en tirer ce qu’on en veut. C’est ce qui m’a dégouté plus d’une foi d’y aller quoique j’eusse besoin de consulter des livres assez intéressants qui ne sont point dans notre Casanate. Il faut multiplier les voyages et à peine est-on arrivé dans cette bibliothèque Barberini qu’on est obligé d’en sortir. Notre Casanate est bien mieux réglée. On peut y étudier six heures par jour, à l’exception des jeudi et des jours de fêtes. Le procureur général des augustins, le savant P. Giorgi, m’a déjà dit au moins trois fois que ses recherches ne l’ont conduit à rien au sujet des lettres de Holstensius. Il m’a promis d’autres recherches, mais je sens que j’attends très peu de ce côté-là, malgré la bonne volonté de cet habile homme, et bien propre à genre de travail. Dans ma lettre en question au R.P. Clappiers que je vous prie bien de saluer, j’avais l’honneur de vous dire que je ferai part à M. l’abbé Marini de ce que vous m’observez au sujet des dates qu’il me communiquera lui-même de ses trois lettres de Peirsec à Aléandro. Dans un post-scriptum à cette lettre dont vous m’honorâtes le 11 août, vous me marquez que comme ces mêmes 3 lettres n’intéressent point M. l’abbé de Saint-Véran, et qu’on peut attendre tranquilement que M. l’abbé Marini les publie. Vous me faites assez entendre qu’il est presque inutile que je fasse part audit abbé Marini de vos réflexions sur les dates de ces trois lettres. Je vous dirai pourtant que cet abbé ne publiera pas si tôt ce qu’il a entrepris sur le calendrier constantinien. M. l’abbé Foggini n’a encore rien publié là-dessus: j’y serais attentif et j’aurais l’honneur de vous en avertir. Si vous souhaitez que je fasse transcrire les lettres qu’on a recueillies dans la dernière édition de Meursius, je m’en acquitterai avec plaisir. Je sais où se trouve le XI volume de la même édition. Peut-être que sans le faire acheter à Lyon, vous ferez encore mieux de prier quelque ami de cette ville de vous retranscrire ce qui appartient aux dites lettres de Holstenius. J’attends encore vos ordres là-dessus. Je sens que dans nos provinces il est difficile d’y trouver certains livres, principalement ceux que j’ai en vue. J’ai chez moi une bonne collection d’ouvrages sur la critique sacrée. Je tâche de l’accroître. Cela n’empêche pas cependant que je m’occupe à me procurer d’autres ouvrages d’érudition. Autant que mes petites facultés me le permettent. J’ai lu les bibles hébraïques et grecques en principal. Comme j’ai encore beaucoup de livres sur la littérature, il me faut absolument la bibliothèque grecque de Fabricis. J’ai écrit dernièrement à Koenig, libraire de Strasbourg, afin qu’il me la procure à un prix honnête. Ce grand ouvrage de Fabricius pourrait être beaucoup mieux digéré et ordonné qu’il ne l’est et l’on pourrait y faire bien des additions importantes, mais tel qu’il est, un homme de lettres nepeut guère s’en passer. Vous doutez bien que nous l’avons dans notre Casanate. Je trouve toujours plus dans cet ouvrage un trésor immense d’érudition. J’ai eu chez moi, ou à ma portée, tous les ouvrages de critique sacrée et les dictionnaires dont vous me parlez. J’ai même fait l’acquisition du Lexicon de Castel, 2 vol, fol. C’est à mon sens le meilleur dictionnaire que je connaisse en ce genre. Ce que j’ai entrepris sur la typographie hébraïque pour satisfaire uniquement la curiosité d’un savant bibliographe devait être sans doute curieux et autant que vous l’envisagez parce que vous comprenez d’un simple coup d’œil où peut conduire cette matière. Mais il faudra que je fusse aussiprétendument versé dans cette partie de notre littérature que l’exigerait un vrai travail. C’est ce dont je ne puis me flatter malgré la bonne opinion que vous daignez avoir de vous-mêmes. Grâce à Dieu, je me connais. Quid ferre [fol. 36 v] recusent quid valeant humeri. Aussi je n’embrasse qu’une très faible partie de ce même travail. Comme j’écris à un vrai savant et à un excellent connaisseur qui m’honore de sa bienveillance. Je crois devoir prendre la liberté de ne pas lui laisser ignorer ce dont je m’occupe présentement, quoique j’aie bien d’autres projets littéraires à entreprendre, si jamais j’ai plus de loisir que j’en ai [illisible]. En attendant, j’ai déjà envoyé à Paris deux lettres assez longues sur la bibliographie. Nous sommes dans un siècle où l’on aime beaucoup ces sortes de discussions. Peut-être s’y arrête-t-on un peu trop, car pour trop rechercher les titres des anciennes discussions, je crains qu’on ne néglige enfin ce qu’elles contiennent d’instructif. Quoi qu’il en soit,pour correspondre aux lettres d’un ami, j’ai voulu faire quelque chose là-dessus. Ma première lettre a en vue la manière de bien exécuter un catalogue. J’entre ensuite dans quelque détail par celui de notre bibliothèque de Casanate. De là, je me jette sur le catalogue des livres imprimés et des manuscrits de la bibliothèque du Roi. Je n’épargne point la Bibliographie instructive de M. de Bure. À cette occasion, je parle de quelques éditions anciennes de nos bibles hébraïques qui auraient dû trouver un rang distingué dans un livre de bibliographie. Cette lettre, qui est, comme toute isolée, me sert pour ainsi dire d’une espèce de préliminaire pour en venir à la notice d’un ouvrage hébreu extrêmement rare intitulé Arbaa turim ou les quatre ordres de R. Ascher et dont aucun bibliographe n’avait encore annoncé l’édition qui est de Mantoue ou de Ferrare l’an de la supputation juive 236 ou de l’ère chrétienne 1476. Cette notice qui fait le sujet de ma seconde lettre est des plus détaillées, et me donne occasion à des discussions bibliographiques qui y sont relatives. Comme tout est remarquables dans cette édition de l’Arbaa Turim, et les noms des imprimeurs juifs et la date de 1476, enfin les noms des villes de Mantoue et de Ferrare où cet ouvrage hébreu fut imprimé et que tout cela peut répandre du jour sur les premiers temps de la typographie juive et éclaircir d’autres monuments typographiques hébreux du XVe siècle. Je le réserve pour une troisième lettre que j’aurais terminée depuis bien du temps si des occupations beaucoup plus sérieuses ne m’en eussent empêché. J’ai eu l’honneur de vous le marquer. Mon loisir n’est pas à moi. L’assistance m’enlève un temps précieux, assez que je puisse jamais exécuter mes projets littéraires, malgré tous les matériaux que j’ai déjà sur plus d’un objet, entre autres sur l’authenticité des livres du Nouveau Testament. Ce dernier ouvrage m’est extrêmement à cœur. Il est susceptible de la plus grande érudition, mais encore une fois, il me faut du loisir. Une autre chose que je ne perds pas de vue c’est la Bible hébraïque du docteur anglais Bejamin Kenicott, de laquelle nous n’avons encore que le premier volume et la tête de son second. Je m’attends à des prolégomènes où je serai traité sans ménagement. Vous savez que j’ai attaqué ses idées d’une manière assez forte, quoiquepolie, et expliqué la façon dont il a exécuté son plan. Il est probable qu’à l’occasion de l’extrême rareté des anciennes éditions de nos bibles hébraïques et autres pareilles monuments hébreux, dont je me parle dans ma 3e lettre, j’en viens aux matériaux employés par cet anglais et à l’usage qu’il en a fait ; ce qui pourra faire l’objet d’une quatrième lettre en attendant que je puisse répondre plus au long à tout ce que je trouverai dans ses prolégomènes, qui me paraîtra s’éloigner d’une bonne antique. Voilà bien des bagatelles sans doute, pardon, Monsieur, et mille pardons de ces détails qui sont assurément tous étrangers à ce que je vous dois et à Monsieur l’abbé de Saint-Véran. J’ai été confus d’une offre qu’il m’a faite de l’ouvrage d’Arcudius, De concordia ecclesia occidentalis et orientalibus. Tout sensible que je suis à cette offre, je n’ai pas osé l’accepter, ni même lui répondre sur cet article. Je crois qu’un savant ne doit pas se priver de ses livres. Faites lui agréer mes excuses à ce sujet. Vous le ferez mieux que moi, je n’en sens pas la force. Ce que vous me faites observer touchant la lettre qui porte le nom de Ranzovius peut-être vrai, mais si cela est, j’en suis un peu fâché pour Holstensius. Un auteur ne doit jamais se louer. Je connais à Parme une personne qui pourra s’acquitter de votre commission touchant les 2 volumes des Disquisitiones Plinianæ de Rezzonico, mais cette même personne se trouve présentement à Turin et ne retournera à Parme qu’en novembre. Il sera difficile de l’avoir à un très bon marché si on s’adresse au libraire qui l’a imprimé. J’en écrirai et suivant la réponse je verrai ce qui sera convenable de faire là-dessus. Je sais que vous avez envoyé au P. Inquisiteur le montant de mon déboursé pour les inscriptions du musée capitolin, mais pourquoi tant se presser ? Votre imprimeur Beaume a très bien fait de ne pas exécuter son projet touchant l’édition des œuvres des 4 premiers docteurs. Ce projet était fort mal conçu. Il me reste encore un peu de place pour vous assurer des sentiments inaltérables et de la parfaite vénération avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. F. Fabricy, prêcheur.

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