Lettre de Antoine Gouan à Jean-François Séguier, 1764-06-03

Résumé 0

[fol. 71] Mon cher Monsieur, Mademoiselle Clamouse qui vint à Nîmes passer un mois chez M. son oncle le chanoine a bien voulu se charger de cette lettre pour vous et dans laquelle je réponds à votre dernière et à votre petit envoi. J’y ai trouvé une feuille du Mesembryanthenum calamiforme que vous ne m’avez jamais envoyé non plus qu’une feuille fort large de quelque autre Mesenbrianthenum, fort large et fort épaisse. Vous trouverez ici la liste de ce que j’ai et vous me ferez plaisir de me donner ce que vous pourrez avoir de chez M. Baux, attendu qu’il y a ordre au jardin de Trianon de remettre pour moi tout ce que je demanderai lorsque quelqu’un sera muni d’une lettre de ma part ad hoc et pour ne pas multiplier les frais sans nécessité je n’enverrai ma liste à Amoreux que lorsque vous l’aurez augmenté des bienfaits de M. Baux et j’espère un jour pouvoir lui donner quelques espèces qui lui manqueront. Je viens de recevoir des nouvelles de M. Varnier qui est allé herboriser non seulement à Monaco avec le frère Gabriel, mais encore à la montagne Sainte-Victoire d’où ils doivent nous apporter des richesses, avec promesse de venir pour l’herborisation de l’Espérou. Le baron de La Tour d’Aigues a obtenu la [fol. 71v] permission des provinciaux des Capucins pour que le frère alla indifféremment par toute la province et même en sortit. Il m’a écrit pour obtenir de mon côté celle du provincial de Languedoc afin qu’il pût venir ici, ce que j’ai eu sans peine par le canal du vicomte de Saint-Priest ; ainsdi vous aurez le plaisir de lez voir avec Varnier avant moi et nous nous reverrons à l’Espérou qui sera une première vallée pour els botanistes. Mes regrets seraient excessifs si je ne devais pas y être avec vous. Je me flatte pourtant que votre sciatique ne m’otera pas ce plaisir. Mon temps est tout fixé, à la Saint Jean, c’est à dire que le lundi 25 de ce mois je partirai de Montpellier avec mon escadron pour venir vous joindre au Vigan où le médecin du lieu et cent personnes des environs nous attendent pour nous accompagner ; jamais herborisation ne s’est présentée si bien que celle-ci ; je ne sais si je vous ai dit que j’avais trouvé très peu à la Sérane. J’y ai ramassé pourtabt une Valériane appellée Valeriana radice olivari B. Pin. seu tuberosa Linnaei et un Orchis incarnata du même autheur que vous avez vu et décrit dans votre Flora verona Séguier. 3 p. 349 tab 8 fig 5. Jolie plante que vous seul, Linnaeus et mloi avons connu. Personne que je sache n’avait point découvert le Valeriana tuberosa dans nos cantons et comme nos prédecesseurs n’ont jamais paru à l’Espérou avant la Saint-Jean, je ne serai pas surpris d’y voir des choses nouvelles sinon en botanique, du moins dans nos cantons. Je viens de voir fleurir chez moi le beau Lilium ponponicum Linnaei et bientôt le Lilium chalcedonicum. L’Iris susiana ne fleurira point cette année, non plus les quelques bulbes que M. Baux me porta et que vous n’avez pas encore [fol. 72] déterminé. Séchez-moi, je vous prie, deux brins des Menianthes trifoliata de chez M. Baux avec un Cytise et une Fraxinelle. Le premier est bien à l’Espérou, mais peut être sera-t-il passé quand nous y irons. Voici la liste des plantes grasses que j’ai. Ceux qui sont notés d’une étoile * sont en très mauvais état et je n’y compte plus. * Mesembrianthenum barbatum Mesembrianthenum crassifolium Mesembrianthenum linguiforme Mesembrianthenum acinaciforme Mesembrianthenum nodiflorum Mesembrianthenum bellidiflorum Crassula tetragona * Euphorbia caput medusae Euphorbia nerrifolia Cactia Cotledon arbiculatum Cotyledon hemisphaericum Cactus flagelliformis Cactus peruvianis Cactus curaffaricus Cactus opuntia Aloe pumila Aloe margarilifera Aloe major et minor Aloe perfoliata Aloe vera Aloe disticha Aloe spiralis Aloe retusa Aloe dens lucii Aloe variegata Yucca draconis Sedum arboreum Sempervivum arachnoideum Agave americana En attendant l’heureux moment qui doit nous rejoindre, j’ai l’honneur de vous réitérer mes amitiés et suis tout à vous. Gouan A Montpellier le 3 juin 1764. Vous pourriez profiter du retour de Varnier pour me faire passer ce que vous aurez de chez Baux et surtout choisissez des brins bien vieux ou racinés. Mettez aussi à part pour moi ce que l’herbier Mathieu vous fournira. [fol. 72v] [3 juin 1764 Gouan]