17 mai 2024
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Stéphane Berthier, « L’Invention constructive face à la norme », Les Cahiers de la recherche architecturale, urbaine et paysagère, ID : 10.4000/11pao
Architectes et techniciens font aujourd’hui face à une double injonction contradictoire. D’une part, ils doivent proposer des alternatives constructives sobres et décarbonées pour se conformer à la nouvelle Réglementation environnementale 2020 et redécouvrent pour cela l’usage de matériaux anciens que l’on dit désormais « naturels », « crus », « biosourcés » ou « géosourcés ». Mais ils doivent d’autre part respecter l’ensemble du cadre réglementaire préexistant qui fixe des exigences en termes de sécurité, de pérennité et de confort, obtenues grâce aux performances remarquables des matériaux modernes et notamment du béton armé. L’urgence de la transition écologique se confronte alors à la lenteur prudente avec laquelle le corpus réglementaire intègre les particularités de la construction bas carbone réalisée avec des matériaux réputés fragiles. Dans un premier temps, cette enquête s’intéressera aux récentes démarches entreprises par des acteurs de la filière bois pour demander la révision de la réglementation incendie et à leur réception par les autorités. Ce processus montre que le cadre réglementaire est le fruit de consensus entre des forces antagonistes d’innovation et de prudence, aux temporalités très différentes et que ce cadre est in fine l’expression juridique du niveau de risques auquel une société consent. Dans un second temps, l’analyse du projet aux objectifs écologiques exemplaires de l’école des Messageries lancé par la ville de Paris, qui fait la part belle aux matériaux biosourcés et géosourcés, montre que l’invention constructive est prise dans les rets du cadre réglementaire et normatif et ne peut être développée qu’en articulation avec lui. Si les études de ce projet témoignent d’un travail important et concluant de recherche d’équivalences en matière de gestion des risques, c’est au prix d’une augmentation des couches de protections au feu et d’une sophistication constructive qui grèvent son bilan carbone. Enfin, en s’attachant exclusivement à la définition des éléments matériels de l’architecture, ce projet reste aveugle aux exigences réglementaires de confort que la modernité nous a permis de fixer et qui pèsent plus lourd dans le bilan carbone de l’édifice que toute sa superstructure. Il est donc urgent d’élargir la réflexion pour questionner les pratiques architecturales courantes dans leur rapport avec les normes sociales relatives aux usages et au confort.