10 juillet 2024
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Chloé Vettier, « Retranscrire l’expérience de la honte aux xxe et xxie siècles : de la confession à l’auto-socio-analyse », ELFe XX-XXI, ID : 10.4000/11zms
Cet article recense les façons d’écrire la honte dans les récits autobiographiques des xxe et xxie siècles. Tandis que les auteurs de la première moitié du xxe siècle, tels Maurice Sachs et Michel Leiris, privilégient une écriture confessionnelle visant à les absoudre, c’est-à-dire à les débarrasser d’une honte qui semble pourtant intrinsèquement liée à leur identité, un tournant s’opère avec De l’abjection (1939) de Marcel Jouhandeau et la trilogie « autobiographique » de Jean Genet, composée de Notre-Dame-des-Fleurs (1943), Le Miracle de la Rose (1946), et Le Journal du Voleur (1949). Écrivains de l’abjection, Jouhandeau et Genet n’expient pas leur honte, mais l’exaltent. Cependant, chez Genet, la honte devient une expérience exclusivement sociale. Elle n’est pas le résultat d’une faillibilité inhérente au sujet mais se présente comme un stigmate imposé de l’extérieur. Par cette variation conceptuelle, Genet ouvre la voie aux autobiographies sociologiques d’Annie Ernaux, de Didier Eribon, d’Edouard Louis, ou encore de Kaoutar Harchi, textes dans lesquels la honte est appréhendée non plus sous le prisme du péché, c’est-à-dire d’un mal intérieur à soi, mais sous celui d’une violence sociale, c’est-à-dire d’un mal extérieur à soi. Thème constant des écrits autobiographiques, la honte dénote cependant l’évolution des subjectivités à travers les siècles, le sujet contemporain se pensant désormais plutôt sur la place publique que dans l’intimité du for privé.