Des filles qui ne « bougent pas » ? Un attachement territorial sous influence scolaire

Résumé Fr En

Dans un contexte où l’injonction à la mobilité géographique envers les jeunes ruraux est pointée par de nombreuses études et rapports, cet article propose d’analyser la socialisation spatiale de jeunes femmes ayant grandi dans un département rural, a priori particulièrement concernées par cette injonction. À partir d’une enquête ethnographique réalisée dans un territoire rural historiquement agricole et isolé des grandes agglomérations, il explore plus précisément l’influence de la formation en lycée professionnel et des attentes qui y sont véhiculées. Cette socialisation spatiale en contexte scolaire s’appuie en partie sur la socialisation dans des familles de classes populaires, dont les pratiques sont plus ou moins dépréciées par les enseignantes selon les fractions de classes. Des formes d’assignation spatiale coexistent alors avec la promotion de certaines mobilités géographiques par les enseignantes, contribuant à une reproduction de l’ordre social.

In a context where the injunction for geographical mobility among rural youth is highlighted by numerous studies and reports, this article aims to analyze the spatial socialization of young women who grew up in a rural region, who are apparently particularly affected by this injunction. Based on an ethnographic survey conducted in a historically agricultural rural area, isolated from large urban centers, it specifically examines the influence of vocational high school education and the expectations conveyed within this setting. This spatial socialization in the school context partly relies on the socialization within working-class families, whose practices are more or less rejected by teachers depending on class fractions. Forms of spatial assignment coexist with the promotion of certain geographical mobilities by the teachers, contributing to the reproduction of the social order.