10 novembre 2015
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Bernd Stiegler, « La preuve par l’image : Conan Doyle et la photographie », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, ID : 10.4000/1895.5009
La photographie ne joue pratiquement aucun rôle dans la série de romans et récits de Conan Doyle mettant en scène Sherlock Holmes. En effet le détective y est défini comme « la machine de réflexion et d’observation la plus perfectionnée que le monde ait vue » : le photographe, c’est lui. Or Conan Doyle a créé une œuvre bien plus vaste que celle qu’on lui associe spontanément, riche de plus de cent volumes où la photographie joue un rôle-clef dans un nombre d’entre eux : ainsi sert-elle à la dénonciation des crimes colonialistes du roi Leopold II au Congo, ou à l’accréditation de la présence de dinosaures dans un « monde perdu ». Cet article s’intéresse à deux autres ensembles de textes de l’écrivain, liés à la photographie : ceux qui traitent du spiritisme et ceux qui s’attachent à la photographie des fées. D’abord hostile au spiritisme et même son adversaire, Doyle, s’y convertit progressivement et rendit public sa foi, déclarant écrire sous la dictée d’un personnage né avant Abraham, Phénéas, devant lequel il était une simple tablette de cire sur laquelle il puisse écrire. La photographie qui était au bénéfice d’une croyance dans sa véracité était ainsi mobilisée au service d’une autre forme de croyance celle dans les esprits. Enfin, Doyle accrédita l’authencité de photographies de fées lesquelles ne sont pas des êtres de l’au-delà comme les spectres mais nos contemporaines. Cette faculté de la photographie à rendre visible des mondes jusqu’alors invisibles est connue : la photographie radiographique, astrale ou micrographique en sont des exemples probants. La photographie fonctionne comme un médium de transfert entre différents champs de visibilité. Elle est un rapporteur, un messager du monde invisible qui apporte généralement des messages bienveillants et bienvenus. Elle est, selon la belle formule de l’astronome Jules Janssen, la « rétine du savant » qui ouvre au regard humain un champ d’observation nettement élargi.