18 octobre 2019
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Pierre-André Taguieff, « Un exemple d’inversion victimaire : l’accusation de meurtre rituel et ses formes dérivées », Argumentation et analyse du discours, ID : 10.4000/aad.3500
L’analyse du dispositif victimaire, proposé ici, s’appuie sur l’accusation de meurtre rituel portée contre les Juifs. Cette accusation rend possible la mise en place d’une construction victimaire des haïsseurs des Juifs, que ces derniers utilisent afin de justifier et de légitimer les mesures d’expulsion et d’extermination des Juifs depuis le douzième siècle. Sont analysés ici les ressorts de l’inversion victimaire qui s’est produite déjà à l’époque de l’antijudaïsme chrétien et qui ne cesse d’être rejouée dans les discours légitimant la violence contre les Juifs et aujourd’hui contre l’État hébreu. Ce phénomène obéit à un mécanisme rodé depuis des siècles ; on l’observe aujourd’hui dans certains discours médiatiques et sur les réseaux sociaux. Il consiste dans la mise en scène de l’autovictimisation d’un groupe (les haïsseurs des Juifs) à travers des récits criminalisant un autre groupe (les Juifs) qui est, lui, innocent des crimes qu’on lui impute. Selon ce scénario, les victimes imaginaires se substituent aux victimes réelles pour transformer ces dernières en responsables des malheurs réels ou potentiels du genre humain, en leur attribuant des intentions criminelles. Une fois la figure du bourreau imaginaire créée et incrustée dans les représentations collectives, il devient légitime de se venger de lui en l’éliminant.