3 juillet 2023
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Jean Kerhervé, « Artillerie, fortification et politique d’indépendance en Bretagne à la fin du Moyen Âge », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, ID : 10.4000/abpo.8411
Pas d’indépendance possible sans entretien ni modernisation de l’appareil défensif de l’État. C’est l’un des aspects de la politique des derniers ducs de Bretagne de la dynastie des Montforts (1364-1491), si l’on en juge par les préambules et les exposés de leurs ordonnances militaires, dont témoignent aussi les documents financiers et les témoins archéologiques mis en œuvre dans cet article. Leur effort de guerre se traduit à la fois par la mise en place d’une administration spécialisée, dirigée par un maître de l’artillerie assisté d’un clerc, chargé de la comptabilité, l’utilisation d’un personnel technique qualifié (canonniers et artilleurs), recruté à l’échelon européen aussi bien qu’en Bretagne, la création d’un parc d’artillerie bien au fait des derniers perfectionnements et l’adaptation à l’arme nouvelle des fortifications urbaines et des châteaux, principalement sur les frontières orientales du pays (« marches ») et les côtes, financées par l’argent de l’État et des grandes villes. Cet effort de défense est à mettre en parallèle avec les prétentions politiques d’une principauté que rien ne rattache plus au royaume après la création du parlement souverain de Bretagne (1485) et l’avènement de la duchesse Anne (1488), dont le roi n’a pas requis l’hommage. La vanité de cette politique de défense, largement inspirée du modèle français, n’est donc pas vraiment d’ordre qualitatif, mais tient pour l’essentiel à la différence de proportions entre les capacités d’un royaume dix fois plus peuplé, dont les moyens financiers sont dix fois supérieurs, et celles d’un duché incapable de supporter le coût d’une guerre relancée chaque année par la France pendant cinq années (1487-1491). La Bretagne vaincue et « mariée » à la France, c’est donc le roi qui récolte les fruits de l’énorme investissement des ducs en matière militaire et hérite à la fois d’un arsenal et d’un réseau de forteresses modernisés qu’il se garde bien de démanteler.