6 mars 2018
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2104-3353
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Requejo Carrio Marie-Blanche, « Entre mots et silences », L’Âge d’or, ID : 10.4000/agedor.924
Entre théâtre et roman, écrite pour être lue, La Célestine s’écoute telle une polyphonie. Pour chanter les amours de Calixte et de Mélibée, les voix se croisent, s’entrecroisent, se cherchent, s’affrontent et se déchirent pour s’achever sur le chant désespéré d’un père solitaire et déchiré qui reste « triste et seul dans cette vallée de larmes ». Dans cette œuvre singulière, le statut du verbe est fondamental. Conscience tantôt visible tantôt invisible, le verbe y dessine une « image » de la pensée des personnages qui, dans ses différentes modalités d’expression, nous donne à découvrir la vie intérieure des personnages. Nous nous proposons dès lors d’examiner dans cette étude la façon dont les jeux du visible et de l’invisible se manifestent à travers une dialectique de la parole et du silence qui se fait l’écho de la violence des sentiments et des conflits qui animent les personnages. Tout au long de ces jeux, Rojas exprime une scission profonde qui touche l’être humain, seul face à ses passions et à ses blessures, véritable repli sur lui-même qui conduit inéluctablement à la tragédie. Au fil du dialogue et de l’action, nous analysons ces stratégies de l’écriture qui oscille entre voix haute et voix basse, entre ce qui a été dit et ce qui a été marmonné entre les dents. Cette modalité particulière du discours qui échappe à tout paradigme, se révèle au cœur d’un projet d’écriture fondamentalement hybride et permet d’éclairer sous un jour nouveau le problème du genre auquel appartient La Célestine, œuvre qui s’impose à nous comme une tragédie amère reposant sur une vision pessimiste du monde et de la vie.