16 juillet 2020
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Kostas Maronitis, « Robots and Immigrants: Employment, Precarisation and the Art of Neoliberal Governance », Angles, ID : 10.4000/angles.570
Cet article identifie les points de divergence et de convergence entre les discours portant respectivement sur l’automatisation et sur la main d’œuvre immigrée peu qualifiée, pour défendre une compréhension nouvelle du modèle de gouvernance néolibéral. De nouvelles technologies, de nouvelles stratégies managériales et organisationnelles et de nouveaux modèles d’exploitation ont émergé à la suite de la crise financière de 2008 au Royaume-Uni. Quels sont les aspects principaux de cette crise ? L’article met en exergue deux processus, distincts mais reliés. Tout d’abord, en raison des exigences croissantes en termes de productivité et de croissance économique, l’avènement de l’automatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle est présenté comme une processus irréversible susceptible de produire un nouvel environnement professionnel, dans lequel la réduction du coût du travail et les gains en efficacité sont concomitants de suppressions massives d’emplois, d’un affaiblissement des protections collectives dont bénéficient les travailleurs et de programmes de requalification professionnelle. Deuxièmement, en dépit de la popularité croissante des politiques protectionnistes et des appels à un contrôle plus strict de l’immigration, les besoins de plusieurs secteurs de l’économie britannique en matière de main d’œuvre immigrée peu qualifiée demeurent inchangés. Les exigences en termes de croissance économique rendent la présence de ces immigrants peu qualifiés nécessaire, pour autant qu’ils bénéficient de droits politiques, économiques et sociaux minimaux — salaires, participation politique et mobilité. Il en résulte que les immigrants peu qualifiés doivent exister dans un environnement politique et économique dans lequel ils sont perçus comme des rouages utiles - parfois essentiels — de la croissance économique et des services publics. Les concepts de précarisation et de précarité fournissent un éclairage précieux sur la logique sous-jacente qui relie ces deux discours tout en les différenciant. La précarisation est devenue le mode dominant de gouvernement de la population et le moyen le plus efficace de permettre l’accumulation du capital. À rebours des conceptions anciennes du gouvernement, dans lesquelles l’obéissance politique était échangée contre la promesse d’une protection sociale, le processus néolibéral de précarisation accroît l’instabilité et ne fournit qu’un minimum de protection. La précarisation n’est pas limitée à l’emploi, mais s’inscrit dans la formulation plus large de l’homo œconomicus comme sujet collectif néolibéral vivant dans la peur et d’incertitude. La précarité, quant à elle, désigne la hiérarchie établie au sein des travailleurs vivant dans l’insécurité, et les formes de compensation qu’ils en retirent. L’article conclut en affirmant que les lignes de partage entre le national et l’étranger, le natif et l’immigrant, font partie intégrante d’une gouvernance néolibérale qui opère des distinctions entre groupes précaires pour maintenir l’ordre au sein du capitalisme contemporain.