7 janvier 2013
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Jean-Philippe Bras, « Le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçons tunisiennes », L’Année du Maghreb, ID : 10.4000/anneemaghreb.1423
Cette contribution propose de décrypter, pour le cas tunisien, le passage du moment révolutionnaire, où le peuple veut la révolution, au moment constitutionnel, où le peuple évènement fait place au peuple référent, dans la mise en place des mécanismes de la représentation. Après une phase initiale où la pression de la rue ou des campagnes s’exerce pleinement sur des instances politiques dotées d’une légitimité faible, bricolée entre lambeaux de l’ordre constitutionnel ancien et une incertaine prétention à porter la revendication révolutionnaire, ce peuple acteur de la révolution se défait. Il consent à quitter son « état révolutionnaire » pour mandater une autorité à poursuivre le processus de changement politique. Dans cet acte de délaissement, il rencontre nécessairement la déception démocratique, des incertitudes de la représentation à travers l’élection. Aussi, dès le lendemain de son élection, l’Assemblée constituante est confrontée à de virulents débats sur la portée et la durée du mandat qui lui a été confié par le peuple électeur, où s’exprime la crainte d’une révolution confisquée par les vainqueurs des urnes (principalement le parti islamique Ennahda), qui ne furent pas, loin s’en faut, les principaux acteurs du moment révolutionnaire. Si la loi de la majorité est une des conditions de l’établissement d’un régime démocratique, comme le rappelle Adam Przeworski, elle ne peut se justifier de manière ultime que par une co présence des mécanismes de l’alternance. De plus, ainsi que le soulignait Hans Kelsen, le dispositif doit être complété par l’instauration d’un tribunal constitutionnel, la menace d’y recourir contribuant à obliger au compromis entre majorité et minorité parlementaires. De bonnes raisons pour observer de près la manière dont cette Assemblée constituante omnipotente va exercer son mandat constitutionnel et législatif, ainsi que les délais d’organisation des futures élections législatives.