14 septembre 2017
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Sébastien Bourbonnais, « Le « lâcher-prise » : mutations numériques des gestes architecturaux », Appareil, ID : 10.4000/appareil.2398
Les technologies numériques ont entraîné des transformations dans les pratiques architecturales, principalement en ouvrant un nouveau milieu d’exploration à la conception. Il est d’ailleurs possible de repérer chez certains architectes une mutation des gestes de conception qui leur offre une « prise » nouvelle sur les projets-objets. L’apprentissage de cette préhension numérique s’est fait graduellement, par paliers : ses premiers moments peuvent être considérés à partir de l’action initiale de lâcher prise. À la différence du laisser-aller ou du laisser-faire par la machine, le lâcher-prise comprend le moment de reprise, c’est-à-dire le moment où les architectes intègrent la forme simulée à leurs propres préoccupations. Les expérimentations du lâcher-prise déstabilisent les rythmes et les gestes de conception obligeant ainsi à une série de réajustements afin d’être pleinement insérés dans les pratiques. Cette adoption des technologies numériques ne s’est pas faite d’un coup, et surtout elle a entraîné des résultats formels souvent en deçà des attentes initiales. Pour aborder cette production singulière, on tentera de déplacer l’attention des qualités spatiales des édifices projetés vers les expériences technologiques, en soulevant les nouveaux rapports qui ont été introduits entre les architectes et les logiciels. Comme dans toutes les explorations, le nouveau milieu trouve ses limites et perd de sa nouveauté par vagues successives, et par conséquent attire moins l’attention. Cette diminution de l’attention est certainement l’un des problèmes majeurs qui montrent les limites de la sensibilité du lâcher-prise. Il n’en reste pas moins qu’à l’instar de l’expression forgée par Jean-Luc Nancy, « la prise d’un lâcher », qu’il emploie pour saisir le moment initial de la peinture dans la grotte, le lâcher-prise décrit à sa façon l’un des rapports singuliers et originaux qu’offrent les mutations numériques des gestes et des milieux architecturaux.