31 décembre 2022
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Béatrice Pfister, « Sémiramis, de la pièce de Voltaire au ballet d’Angiolini : scènes de spectre d’un art à l’autre », Arrêt sur scène / Scene Focus, ID : 10.4000/asf.3038
En 1765, l’Italien Gasparo Angiolini, l’un des artisans de l’essor du ballet pantomime au XVIIIe siècle et le futur rival du Français Jean-Georges Noverre, donne à Vienne une transposition chorégraphique de la Sémiramis de Voltaire créée treize ans plus tôt, et publie à cette occasion une Dissertation sur les ballets pantomimes des Anciens, pour servir de programme au ballet pantomime tragique de Sémiramis. Des critiques essuyées par Voltaire sur l’apparition du spectre de Ninus aux reproches auxquels allait faire face Angiolini, la continuité est frappante, signe de la difficulté à faire réussir ce type particulier de personnage sur les scènes du XVIIIe siècle. C’est cette continuité qu’il s’agira dans un premier temps d’explorer, avant d’en venir aux problèmes spécifiques posés par la transposition intermédiale d’Angiolini. En effet, si ce dernier réussit la gageure de rendre compréhensible sans paroles cette histoire tragique, c’est au prix de profonds remaniements de l’intrigue. La scène de spectre initiale se voit substituer deux scènes d’apparition aux fonctions dramaturgiques différentes, et dont la réception allait encore plus problématique que pour la pièce de Voltaire, en raison des enjeux symboliques propres à l’art chorégraphique : il semble bien qu’il soit alors plus difficile au ballet qu’au théâtre d’amener le spectateur à accepter qu’un artiste en chair et en os puisse représenter un tel personnage. Sous la plume d’Ange Goudar, le ridicule spectre de Ninus peut ainsi devenir la preuve que la corporéité de la danse rend cet art fondamentalement indigne du registre tragique.