19 janvier 2023
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Valérie Chansigaud, « De l'action humaine sur la géographie physique », BibNum, ID : 10.4000/bibnum.473
L’homme modifie la nature, parfois en bien, parfois en mal. Il est devenu un véritable agent géologique, au même titre que l’érosion ou les tremblements de terre : c’est la constatation que fait Reclus dans ce texte de 1864. Mais l’homme est aussi ancré dans la nature : « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même », insiste-t-il de manière à peine métaphorique. La dénonciation du rôle négatif de l’homme est un thème récurrent de la deuxième moitié du XIXe siècle : dès le début de l’ère industrielle, on constate la disparition de nombreuses espèces et la raréfaction de bien d’autres. Il s’agit d’une conséquence effective des transformations sociales : industrialisation, urbanisation, augmentation démographique, transformation des pratiques agricoles, déforestation accrue, disparition d’un grand nombre de prairies au profit des cultures, amélioration des techniques de pêche, introduction de la vapeur pour les bateaux,… Mais le caractère optimiste de la vision de Reclus ne doit pas être oublié pour autant : l’homme peut aussi améliorer la nature, comme avec les digues de Zélande ou la fixation des dunes d’Aquitaine. Cette perspective est évolutionniste chez Reclus, fortement marqué par Darwin. Cependant, l’amélioration de la Terre dans l’intérêt de tous, un des credo de Reclus, ne va pas sans un réel partage des richesses et une égalité pleinement accomplie entre les hommes : le progrès, s’il se fait sur des bases injustes ou inégalitaires, n’est seulement qu’un « régrès ». On pourrait considérer que Reclus pose les bases d’une vision écologique, mais la référence à ce terme est délicate : en effet, bien qu’imaginé par Ernst Haeckel (1834-1919) dès 1864, ce terme n’est jamais utilisé par Reclus. Le mot écologie ne s’impose vraiment que lors des premières années du XXe siècle. Disons plutôt que ce texte est représentatif du leitmotiv de l’œuvre de Reclus : l’ancrage évolutif de l’espèce humaine et sa place au sein de la nature – « nous sommes les fils de la terre », écrit-il dans une perspective à la fois laïque, biologique, historique et évolutionniste.