26 juin 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Yan Thomas, « L’extrême et l’ordinaire. Remarques sur le cas médiéval de la communauté disparue », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.19926
On examine ici le cas du monastère vide de tous ses moines, dont les biens, pour éviter qu’ils n’échoient à un seigneur ou au fisc, étaient dits revenir soit au lieu même où était situé l’édifice, soit, selon une solution plus tardive de l’école d’Orléans (vers 1260), à la personne même du monastère équiparé ici aux successions jacentes du droit romain. Ces successions étaient personnifiées, pour assurer la représentation d’un sujet qui n’existait plus (le mort) ou n’existait pas encore (l’héritier) : ce qui n’avait pas d’existence (les morts et les héritiers non déclarés) était représenté par un patrimoine personnifié. La jurisprudence procédait ainsi par associations de figures mises en chaîne, dans les limites du corpus des textes mobilisables. À travers ce cas, on examine comment ce qui se décrète en une circonstance extrême vaut d’emblée, sans nul besoin de généralisation, dans les circonstances banales. Si le corps social d’une communauté religieuse ou politique peut être représenté lorsqu’il s’est éteint, a fortiori peut-il l’être lorsqu’il subsiste en se renouvelant normalement. Dans les cas-limites se saisissent ainsi des abstractions qui ne procèdent d’aucune généralisation. Les casuistes tranchent sur une ligne contenant en deçà d’elle le champ de tous les cas possibles. Le plus abstrait se tient sur la ligne étroite du plus concret.