15 juillet 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Emmanuel Pedler, « Un spectacle à distance ? L’opéra à la télévision et au cinéma », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.21566
Les captations télévisuelles ou vidéographiques d’opéras livrent un éclairage réflexif précieux sur les fondements des pratiques lyriques en salle. Subissant de véritables épreuves de passage, ces captations reconstituent les situations et les contextes à partir desquels ces productions font et faisaient sens pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Une fois sortis du contexte de leur production située, ces opéras s’enrichissent le plus souvent de longs développements diégétiques destinés à les réimplanter, à les réinscrire dans un terreau culturel le plus familier aux spectateurs auxquels les films sont destinés. Le genre subit ainsi un double déracinement, temporel et situationnel. Son développement depuis le xviiie siècle, au plus près de mobilisations sociales souvent diversifiées, a constitué auprès des publics de salles un horizon d’attente façonné autour d’une culture vocale et narrative, fortement socialisée par des pratiques partagées. Dans la durée, ces cadres culturels se sont maintenus. Mais, jamais objectivés, explicités ou enseignés, ils sont restés étrangers à toute investigation littérale ou « objective ». Ils réapparaissent néanmoins dans l’exercice de traduction à partir duquel le cinéma ou la télévision « pensent » l’opéra pour l’implémenter dans de nouveaux contextes. Pour appréhender ces cadres et en dessiner les formes, on peut se demander comment les primo-spectacteurs – faisant la première fois l’expérience de l’opéra en salle – évaluent et prennent langue avec le genre, identifient ce en quoi il leur échappe. Déterminer le caractère insaisissable, hors de saison ou incongru des opéras du passé est ainsi un préalable à la description qui décline (1) l’opéra comme une forme cérémonielle et sociale, (2) l’opéra comme expérience d’une manière inaccoutumée de chanter, (3) l’opéra comme forme singulière et datée de faire récit.