1 février 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Ines G. Županov, « Conversion, Illness and Possession. Catholic Missionary Healing In Early Modern South Asia », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.21771
Cette étude montre comment les missionnaires catholiques en Asie du Sud, au début de l’époque moderne, ont instrumentalisé les techniques de santé et l’aide médicale dans une optique de conversion. J’examinerai minutieusement les récits missionnaires dans lesquels les événements touchant à la guérison, présentés comme des actes culturels dramatiques ou des rituels, ont ouvert un espace de rencontre entre des technologies chrétiennes et sud-indiennes du corps et de l’âme. Si les intentions des jésuites dans les actes thaumaturges étaient clairement adaptées à construire des liens sociaux et à établir des communautés d’obédience catholique, les « patients » avaient aussi un programme qui leur était propre. En situation de détresse, ils acceptaient la réciprocité et les relations sociales offertes par les missionnaires afin de résoudre leurs préceptes existentiels.Les miracles de guérison, surtout les cures de « possession démoniaque » et d’autres types de troubles mentaux, ont mis en scène le conflit entre christianisme et paganisme, dans lequel les questions fondamentales sont apparues: la nature de la réciprocité sociale, la construction de l’identité et du genre, les relations de pouvoir et d’autorité. L’intervention rituelle catholique dans le paysage socio-religieux sud-indien était conçue pour refaçonner la vie sociale et remanier les barrières culturelles. Les agents possesseurs, en particulier, conceptualisés comme des démons par les missionnaires catholiques, et ainsi dépouillés de toutes les qualités divines, devaient disparaître avec l’avènement du christianisme et la conversion. Mais la porosité culturelle a travaillé à la fois dans les deux sens et au XVIIIe siècle, des saints chrétiens ont commencé à acquérir certaines qualités des « divinités » païennes. Bien plus tard, les anthropologues ont confirmé le fait que quelques saints chrétiens ont sauté le pas pour devenir eux-mêmes les agents possesseurs, en dépit du dédain catholique officiel.L’indigénisation de la « guérison spirituelle » chrétienne en Inde était donc un processus complexe d’adaptation mutuelle et d’emprunts. On se concentrera aussi sur l’émergence de la prêtrise « indigène » chrétienne à partir du XVIe siècle et son rôle dans la dissémination et le recadrage de la guérison spirituelle.