1 février 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Virginie Johan, « « Même l’écureuil fait ce qu’il peut ». Transmettre le savoir dans le kūṭiyāṭṭam », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.22101
Les écureuils sont spectateurs d’une séance de travail entre Rāma Cākyār, maître-acteur de kūṭiyāṭṭam, et Saṅgīt Cākyār, son disciple. L’enfant répète le début de la « rétrospection de Śrī Rāma », vaste retour en arrière qui, en représentation, est enchâssé dans l’acte II du Merveilleux Diadème (pièce en sanscrit de Śaktibhadra, inspirée du Rāmāyaṇa). La séance, qui dure deux heures, a pour point d’orgue une « extension », séquence de jeu mimétique au cours de laquelle Lakṣmaṇa construit une hutte de feuillage pour son frère Rāma. Munie du manuel de jeu en malayalam sous-tendant la scène, d’un stylo, d’un appareil photo et d’un dictaphone, je décris le travail. Ce compte rendu offre l’occasion de découvrir la dramaturgie narrative et le jeu d’acteur-conteur spécifiques au théâtre kūṭiyāṭṭam, ainsi que les conventions de jeu. Surtout, il observe de quelle façon, dans le processus de transmission, les instructions directes (dites orales) enrichissent « la recette » qu’offrent les manuels scéniques des praticiens. Tels les écureuils qui aidèrent Rāma à construire le pont vers Laṇkā, le maître et l’élève « font ce qu’ils peuvent », comme le dit le proverbe malayali, pour œuvrer à la longue et fragile chaîne de leur art. Comment cela ? Répondre à cette question – qui est aussi un mot-clé de la dramaturgie du kūṭiyāṭṭam – requiert d’analyser les consignes, conseils, mots, silences, actes, gestes, humeurs, éclats, etc. constituant le savoir en jeu.