16 septembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Tara Mayer, « Clothing the Enlightened Body: European Dress in India during the Age of Reason », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.22697
À l’époque des Lumières, les Européens devisaient de théories élaborées qui définissaient et distinguaient l’identité européenne de celle des peuples non européens. Contrairement à différents attributs héréditaires tels que le sang et la génétique qui étaient à la fin du xixe siècle les premiers marqueurs de l’identité raciale, des Européens ont construit pendant le xviie et le xviiie siècle des notions de différence dans l’espèce humaine fondée sur une échelle de catégories qui se chevauchaient. Beaucoup de ces éléments étaient apparemment fluides et subjectifs, incluant l’éducation, le langage, l’affiliation religieuse, la civilité, les manières et le vestimentaire. À travers un examen du rôle changeant de l’habillement dans les constructions de l’identité européenne dans le sous-continent indien, l’auteur de cet article soutient que bien que ces notions précoces de différence fussent apparemment moins rigides que les critères raciaux ultérieurs, ils traduisaient une hiérarchie déjà bien établie du progrès humain. Cet article cartographie trois thèmes-clés dans les constructions discursives de la culture matérielle indienne. Premièrement, il retrace le changement des premières perceptions de l’Inde comme terre d’une immense richesse et sophistication matérielle pour quiconque connaît la stagnation et le déclin. Il décrit ensuite les craintes des Européens face à la dégéneration climatique et à l’osmose culturelle, par lesquelles les frontières de la séparation physique et culturelle prudemment délimitées étaient perçues comme vulnérables et poreuses au fil du temps. Enfin, il examine la façon dont le vêtement était vu comme une défense contre l’environnement indien et les dangers du « going native ». En somme, ces investigations révèlent comment, dans les discours des Lumières, la culture matérielle et la culture vestimentaire sont devenues des modalités puissantes à travers lesquelles la supériorité ressentie de l’identité impériale européenne et l’autorité ont été à la fois construites et transmises.