16 mars 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Gérard Heuzé, « L’armée de Shivaji à Mumbai », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.24097
L’évolution de la Shiv Sena de Mumbai met en scène des problématiques identitaires bien particulières. Cette organisation anticommuniste, xénophobe et hindoue, a toujours exercé ou laissé faire la violence politique. Elle l’a constamment associée à des pratiques charitables. Si cet écartèlement cache un assemblage complémentaire, typique de l’Inde contemporaine, l’évolution des configurations identitaires associées à la violence est plus spécifique. La Shiv Sena s’est d’abord distinguée par une période xénophobe et optimiste, durant laquelle les problèmes semblaient pouvoir être résolus facilement par l’agressivité et l’« activisme » social. Cette période s’est achevée en 1983, pour ouvrir la voie à des tensions majeures, marquées par la diffusion du mépris de soi, la haine des musulmans, et le sentiment plus ou moins désespéré que tout était pourriture. Le « nettoyage » espéré par beaucoup vint avec les émeutes de 1993, puis la Shiv Sena s’approchant du pouvoir opéra un nouveau tournant en donnant asile aux carriéristes et en promouvant les désirs de reconnaissance de ses membres. La violence subsista mais elle devint mafieuse. Cet itinéraire en trois phases montre qu’il n’y a pas un, mais des modes d’expression du malaise identitaire en Inde contemporaine parmi les jeunes hindous urbains, et que les mouvements, ou le cadre qui les entoure, semblent encore capables de « digérer » les tendances à l’hystérie et la folie.