11 octobre 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Catherine Weinberger-Thomas, « Le tigre mis au tombeau : l’Inde-objet de Fritz Lang », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.25053
En Allemagne comme en France et plus tard aux États-Unis, l’avant-dernier film de Lang, le sérial du Tigre du Bengale cl du Tombeau hindou (Der Tiger von Eschnapur et Das Indische Grabmal, 1959) fut accueilli avec peu d’enthousiasme, mépris et même par une volée de bois vert par la majorité des critiques. Il s’agissait d’un remake d’un film en deux époques réalisé en 1921, en version muette, par l’Autrichien Joe May, sur un script du jeune Lang et de la romancière et scénariste Thea von Harbou. En 1938, le Berlinois Richard Eichberg devait en présenter une seconde variante, parlante cette fois. Dans cette analyse du diptyque indien de Lang, je me suis efforcée d’explorer deux champs bien distincts mais qui se recoupent constamment dans la réalisation filmique : j’ai cherché, en premier lieu, à voir ce qui restait de l’imaginaire de l’Inde après plus de deux millénaires de brassage ininterrompu de fictions, de fantasmes et de stéréotypes sur cette région du monde. Ce qui m’a retenue, en particulier, c’est le statut de l’image en tant que telle, non plus ici simple métaphore, mais fondement, langage même de la création cinématographique ; en second lieu, j’ai voulu montrer que ces films indiens si injustement décriés recélaient en fait l’une des clefs de l’ensemble de la production de Fritz Lang. Le Tigre et Le Tombeau offrent un exemple fascinant de la rencontre de deux imaginaires : celui, intime, du réalisateur déjà presque aveugle au soir de sa vie, projetant sur une Inde-objet sa thématique personnelle, son approche de la vie et de l’esthétique cinématographique, et celui des représentations communes sur l’ Inde, cet univers de stéréotypes usés et pâlis par le temps, dont ne subsiste plus qu’une poussière de clichés.