9 septembre 2022
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Deux sectes principales, sampradāya, regroupent l’ensemble des hindous du Bengale, hormis des lignées de brahmanes smārta : les vishnuites dits Gaudīya Vaiṣṇava, disciples du mystique Sri Krsna Caitanya (1486-1533), qui forment un véritable sampradāya, et les Śākta, adorateurs de la Déesse. Les castes supérieures, brahmanes et kāyastha, sont en majorité śākta. Les relations entre les sectes n’ont pas toujours été harmonieuses. Le shaktisme se présente sous deux aspects : l’un est social et exotérique, l’autre est personnel et s’accompagne d’une pratique religieuse tantrique sous la direction d’un guru. Le premier s’inspire largement du Devī-māhātmya, et l’objet du culte est principalement Durgā, la Śakti tueuse de démons qui est vénérée lors de rituels solennels pendant la pūjā d’automne. Le second s’appuie sur le Tantrasāra, compilation de divers Tantra, dans lequel dix déesses, appelées Mahāvidyā, trouvent une place, mais où triomphe la première d’entre elles, Kālī, considérée comme la divinité suprême, l’Absolu indifférencié. Entre ces deux pôles de la vie religieuse, un pont est jeté par le pèlerinage au temple de Kālīghāṭ, et par les chants inspirés des mystiques śākta, particulièrement Rāmprasād. Les concepts, les représentations et l’iconographie śākta ont fait l’objet d’une réappropriation au xixe par des membres de l’élite intellectuelle. Les militants nationalistes extrémistes qui protestaient contre la Partition du Bengale en 1905 ont à leur suite associé dans un même culte la Déesse et la Mère-Patrie. Ils étaient prêts à donner leur vie en sacrifice pour chasser les Anglais de l’Inde. Loin de ces cas extrêmes, et loin aussi des querelles sectaires, un non-dualisme englobant rapproche les deux divinités de salut, également aimées : Kṛṣṇa et Kālī.