9 septembre 2022
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Marie-Louise Reiniche, « Le sel de la caste », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.25633
Dans la mouvance nationaliste indienne pour l’indépendance, se développa au Tamilnad un courant politique spécifique, revivaliste par l’accent mis sur la culture dravidienne et tamoule contre l’hégémonie indo-aryenne du Nord, et corrélativement anti-brahmane. Ce dernier aspect semble justifié par la place prépondérante que les brahmanes avaient prise dans les nouveaux rouages de l’administration britannique, cette explication par l’intérêt ne rendant pas compte de l’éthos de ce mouvement, du milieu où il est né et de l’histoire socio-religieuse du Tamilnad qui donne à la question une tout autre dimension. La compétition implicite entre brahmanes et non-brahmanes « de haut standing » date de plusieurs siècles et s’est, entre autres, cristallisée sur le shivaisme, le courant dévotionnel majeur du Tamilnad dont les non-brahmanes se sont faits les propagateurs, court-circuitant la vocation religieuse exclusive du brahmane. L’hindouisme, en offrant à tout un chacun la possibilité du salut dans-le-monde par la dévotion individuelle en une des divinités ultimes de la délivrance, permit ce renversement relatif de la hiérarchie du système des castes. Cet article examine le développement spécifique du śaiva siddhanta au Tamilnad, du point de vue de ses institutions, le temple et le monastère non-brahmane, les maîtres spirituels. Une réelle dynamique lie la secte à la caste, même dans le contexte tamoul où le shivaisme tend à être englobant. L’anti-brahmanisme moderne, plutôt que de se refermer en secte, trouva un point de ralliement commun dans la surenchère d’un culturalisme dravidien qui s’appropria le shivaisme comme « religion dravidienne », ce qui, par hypothèse, a permis au Tamilnad d’avoir à ce jour relativement échappé aux tentations communalistes du revivalisme hindou.